Interview

Jocelyn Angloma : « La rivalité OM-PSG a vraiment démarré en avril 1991 »

Avant l’affiche OM-PSG de dimanche lors du "Big week-end", l’ancien international Jocelyn Angloma – transféré du PSG à l’OM en 1991 - nous partage son expérience du Classique aux premières heures de la rivalité. Entretien.
Published on 10/23/2024 at 09:16
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Jocelyn Angloma dans les couloirs de l'Orange Vélodrome en 2023.

Jocelyn, pouvez-vous revenir sur les conditions de votre arrivée au PSG en 1990 ?
J’étais alors dans ma 3e saison au LOSC et le président Francis Borelli me voulait au PSG. Il y avait pas mal d’anciens, comme Jöel Bats, Michel Bibard mais aussi Daniel Bravo parmi les plus jeunes. C’était déjà un palier de franchi pour moi, même si le PSG ne tournait pas encore aussi bien que quelques saisons plus tard, ou même avant (champion en 1986). Au final, les résultats obtenus n’étaient peut-être pas ceux espérés (9e du championnat), mais pour moi c’était une grosse saison. Elle m’a permis d’accéder à l’équipe de France.

Lors de cette unique saison parisienne, vous avez affronté deux fois l’OM. Une première fois en septembre au Vélodrome. Quelles différences y a-t-il eu par rapport à vos précédentes venues avec le LOSC ?
Il y avait plus de tout ! D’abord médiatiquement. Car les médias parlaient plus de ce match avec la rivalité. Même si elle n’était pas encore aussi forte que par la suite. Il y avait aussi des grands noms des deux côtés, comme Susic ou Vujovic au PSG. Donc cela ressemblait plus à un grand match que lorsque j’y venais avec Lille. Emotionnellement aussi, cela n’était pas pareil.La suprématie nationale était en jeu, donc c’était un match qu’il fallait à tout prix gagner. 

« Bernard Tapie me comparait à Rijkaard et Tigana »

Quel regard portiez-vous sur les stars de l’OM quand vous étiez à Paris ?
Je me disais que c’était atteignable, mais est-ce que je pourrais m’adapter à cet environnement et à toutes les sollicitations ? Tout comme doivent se dire aujourd’hui les joueurs en regardant les matchs du PSG, « est-ce que je pourrais jouer dans cette équipe ? ». Je me rappelle qu’à l’époque je regardais ces stars de l’OM qui passaient partout à la TV. Tout le monde parlait d’eux.

A quel moment avez-vous pris conscience de la rivalité entre les deux clubs ?
Cela s’est concrétisé lors du match de Coupe de France contre l’OM (avril 1991), où ça a commencé à monter en puissance ! L’OM nous avait battu au Parc (0-2). C’est à ce moment que l’on a compris que quelque chose de fort naissait. La rivalité a vraiment démarré. L’engagement et l’envie étaient total ! A cette période, Marseille était nettement devant le PSG. Ça s’était d’ailleurs vérifié sur ce match. L’OM était l’équipe à battre, car elle avait de l’avance sur les autres avec les Waddle, Papin, Abedi Pelé, Boli…On n’avait pas forcément l’équipe qu’il fallait pour les battre. 

La saison suivante vous avez rejoint l’OM, récent finaliste de la C1. Comment ce transfert s’est-il passé ?
A Marseille, il n’y avait que des internationaux, car pour construire son équipe, Bernard Tapie ciblait les joueurs de l’Equipe de France. Et comme je venais d’être sélectionné… Un jour, mon conseillé m’a appelé pour me dire que Bernard Tapie était intéressé par mon profil. C’est lui qui gérait tout à l’OM. Comme il habitait Paris, j’ai facilement pu le voir pour discuter. De mon côté, je me posais des questions. Je pensais que j’avais un bon niveau, mais peut-être pas encore celui de ces joueurs. Du coup, la réflexion a été assez longue, mais j’avais envie de jouer à l’OM.

Comment Bernard Tapie s’y est pris pour vous convaincre de signer ?
Il m’a parlé des gros matchs que je jouerais si je venais à l’OM. Il me flattait en me comparant à des joueurs comme Franck Rijkaard ou Jean Tigana. Parce que à ce moment je jouais milieu à Paris, même si j’étais arrière droit chez les Bleus. Je me disais qu’il pensait que j’avais les qualités pour être à la hauteur de ce type de joueurs. C’était une promotion pour moi de rejoindre l’OM. C’était très valorisant, d’autant que cela s’est fait en échange de trois autres joueurs (Fournier, Pardo et Germain) et un peu d’argent.

« On ne parlait pas de trahison à mon époque »


Être échangé avec 3 internationaux, cela n’est pas courant…
Ça met la pression ! Même si cela arrangeait tout le monde, notamment le PSG et Canal+ qui voulaient monter une grosse équipe. J’avais signé pour deux ans à Paris, j’y étais bien – je venais de m’installer et d’avoir mon fils - et je n’avais pas forcément envie de partir. Mais tout se goupillait parfaitement bien quand il y a eu cette proposition de l’OM, il y avait des attraits sportif et financier. Alors je me suis dit pourquoi pas ? 

Avez-vous un souvenir des réactions de votre passage du PSG à l’OM ?
A l’époque, l’engouement se concentrait autour du match. Donc tout s’est bien passé pour moi en passant d’un club à l’autre. Il y avait moins d’animosité que par la suite et on ne parlait pas encore de trahison. Au sein de l’équipe marseillaise, je connaissais déjà plusieurs joueurs, dont Abedi Pelé que j’avais côtoyé à Lille (également connu au Torino par la suite). 

Concernant les Classiques, quel est votre premier souvenir de ces matchs ?
Celui de Coupe de France. Je me souviendrais toujours de celui-ci. C’était du très haut niveau avec beaucoup d’engagements. Il a pu aussi y avoir de la violence même si on n’a jamais blessé un joueur. Ce sont des matchs que j’aimais disputer. Pas pour la violence, mais pour tout l’environnement autour de ces rencontres. C’était intéressant de vivre cela pour acquérir l’expérience et se préparer aux matchs de très haut niveau. 

« David Ginola m’a posé pas mal de problèmes »

Et votre meilleur souvenir de Classique ?
Certainement le but de Basile Boli au Vélodrome, après la Ligue des Champions avec une construction tout en technicité. Il y avait tout. Un but incroyable ! Mais c’était aussi le match dans son ensemble (3-1). Un match que Marseille va chercher après avoir concédé le premier but. Un match que j’ai regardé à la TV… car j’avais eu une fracture du tibia lors de la finale contre Milan. J’avais pris énormément de plaisir de voir mes coéquipiers finir la saison en beauté.

Quelle causerie de Classique vous a la plus marqué ?
Je crois que tout le monde la connaît. C’est celle de Bernard Tapie, après l’annonce d’Artur Jorge dans « L’Equipe », disant que le PSG allait nous marcher dessus (avant la victoire de l’OM au Parc 1-0, but de Boksic). Il est resté très calme pour nous dire : « vous savez ce que vous avez à faire et comment le faire ». Et c’est tout, ça a suffi pour nous motiver. Il n’a pas eu à élever la voix. 

L’adversaire qui vous a le plus impressionné ?
David Ginola m’a posé pas mal de problèmes. Il jouait de mon côté et n’avait pas peur de prendre des coups. Il avait un bagage physique énorme et était aussi très technique. A chaque match, c’était un joueur craint. 

Quels joueurs étaient les plus motivés avant un Classique ?
Tout le monde était motivé. C’était le match où il fallait être très bon. Et il fallait absolument gagner. Je dirais qu’Abedi Pelé, Basile Boli et Jean-Pierre Papin boostaient l’équipe avec leur volonté d’aller de l’avant. 

Quel coach a été le plus marquant lors de vos passages au PSG et à l’OM ?
Je me souviens que je ne jouais pas trop à l’OM avant l’arrivée de Raymond Goethals. C’est Jean Fernandez qui voulait que j’aille avec l’équipe en D3. Ce qui n’est heureusement jamais arrivé ! Raymond Goethals a ensuite pris l’équipe et a dit à Basile Boli me concernant : « il faut que le petit se prépare (à jouer) ». Alors que je suis plus âgé que Basile ! (rires). A partir de là, j’ai toujours joué avec la confiance totale du coach.