OM : Le style Roberto De Zerbi décrypté

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Stats Perform
Published on 07/17/2024 at 09:15
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Nouveau coach de l'OM, l'entraîneur italien Roberto De Zerbi entame sa 3e expérience comme entraîneur à l'étranger après le Shakhtar Donetsk et Brighton.

Si Roberto De Zerbi débarque à l’OM précédé d’une flatteuse réputation d’apôtre du beau jeu, qu’en est-il vraiment ? Focus en stats sur les principes de l’entraîneur italien.

« Je suis un malade de football, je le vis de manière exagérée. J’essaie de jouer avec courage mais aussi avec sérieux. » La première conférence de presse de Roberto De Zerbi en tant qu’entraîneur de l’Olympique de Marseille n’a pas été qu’une opération séduction auprès des supporters et des médias. L’Italien a également esquissé, en quelques mots, la définition d’un football qui a amené Sassuolo à son record de points en Serie A (62 en 2020/21), le Shakhtar Donetsk à la première place du championnat ukrainien avant son arrêt en 2022, et Brighton à sa première qualification européenne. 

Courage mais sérieux, donc. Malgré des moyens limités à l’échelle de leur championnat, Sassuolo et Brighton ont battu leur record de buts sur un exercice dans l’élite sous la houlette de De Zerbi – 69 en 2019/20 pour les Neroverdi, 72 en 2022/23 pour les Seagulls, ces derniers étant la 4e équipe de Premier League ayant tenté le plus de tirs durant le passage de leur désormais ex-entraîneur. Tout en imprimant un jeu de position facilement identifiable, dont la base est la relance depuis l’arrière. Très en arrière, même.

Attirer les supporters… et l’adversaire

Avec le ballon, l’objectif premier de Roberto De Zerbi est d’attirer le pressing adverse sur sa ligne défensive, afin de le briser et de s’offrir des espaces derrière. Deuxième de Premier League 2023/24 en termes de passes par match (620) et de pourcentage de passes réussies (89%) – à chaque fois derrière Manchester City –, son Brighton maîtrisait le ballon… et l’utilisait avec patience afin d’inciter l’adversaire à venir le chasser. Ainsi, les Seagulls n’étaient de nouveau devancés que par les Citizens sur le nombre de passes par action de jeu (4,9), de séquences d’au moins 10 passes dans le jeu (722) et de durée moyenne des séquences (13,4 secondes).

Mais là où Pep Guardiola fait jouer ses équipes dans le camp adverse, seulement 39,3% des passes de City se terminant dans sa propre moitié de terrain en la saison dernière (plus faible ratio), Roberto De Zerbi se situe à l’autre bout du spectre, avec le plus haut pourcentage sur la même donnée (52,5%). Pour contraindre l’adversaire à sortir sur lui, son Brighton faisait en effet dans la radicalité, et n’hésitait pas à faire tourner le ballon très près de son propre but. La saison dernière dans l’élite, 1838 passes de Brighton se sont achevées dans sa propre surface de réparation. C’est plus de 300 de plus que la 2e équipe dans le domaine (Aston Villa avec 1529), et près de 800 de plus que la moyenne des formations de Premier League (1046).

2 - Zones de contrôle de Brighton.jpeg

Prédominance du jeu axial pour Brighton en Premier League la saison dernière : sur tous les ballons touchés dans une zone du terrain, celles où au moins 55% des ballons étaient à l’actif de Brighton sont indiquées en violet. En rouge : les zones où c’est l’adversaire qui touchait au moins 55% des ballons. En blanc : celles où le contrôle était plus disputé.

Logiquement, ces sorties de balle très basses accordent une place prépondérante au gardien, qui formait la pointe d’un triangle à la relance avec ses défenseurs centraux. 94% des sorties de but de Brighton en Premier League 2023/24 étaient jouées courtes – à comparer avec les 66% de Manchester City, par exemple, ou au plus faible pourcentage détenu par Sheffield (22%) –, pour un taux de réussite record de 96,5% dans l’exercice. Et dans le jeu, Jason Steele (31) et Bart Verbruggen (30,8) se situaient tous deux dans le top 3 des gardiens réalisant le plus de passes par match (parmi ceux à plus de 10 apparitions la saison dernière). Pas étonnant, alors, que le gardien soit l’un des dossiers chauds du mercato marseillais.

On accélère !

Une fois la pression sur soi, reste à la casser. C’est le moment que choisissait Brighton pour jouer dans le dos de l’adversaire, progressant à l’aide de passes courtes (14,9 mètres en moyenne pour les passes réussies, les moins longues de PL la saison dernière) mais incisives (25,8 passes entre les lignes par match, co-plus haut total avec Manchester City). 

Une fois la ligne d’attaque atteinte, quelques schémas se répètent également dans le football de Roberto De Zerbi. D’abord, une ligne de 4 devant, que ce soit en 4-3-3, en 4-2-3-1 ou en 3-4-3 (les 2 systèmes privilégiés de l’entraîneur depuis Foggia, en 3e division italienne), à la faveur d’ailiers placés haut (Boga ou Berardi à Sassuolo, Mudryk ou Tetê au Shakhtar, Mitoma ou João Pedro à Brighton), de la projection d’un milieu offensif (Defrel à Sassuolo, Lallana ou Welbeck à Brighton), et d’un attaquant qui décroche (Traoré au Shakhtar, Ferguson à Brighton). Ensuite, une pression forte sur les côtés : l’axe est surtout chargé de conserver le ballon, en pivot, avant de lancer ailiers et latéraux, plus percutants. En Premier League 2023/24, Brighton était ainsi l’équipe ayant réalisé le plus de remises en retrait (398).

3 - Touch zones Ferguson.jpeg

La carte des ballons touchés par le buteur de Brighton Evan Ferguson, la saison dernière en Premier League, montre son activité dans l’axe du terrain, dans une position reculée.

Des risques sans le ballon… mais aussi avec ?

Sans le ballon, les formations de Roberto De Zerbi cherchent, comme la plupart des équipes de possession… à la recouvrer au plus vite. Avec 337 récupérations hautes en Premier League 2023/24 (8e total), et un PPDA (indice définissant l’intensité d’un pressing) de 11,1, le 7e du championnat, les données de pressing de son Brighton le placent au-dessus de la moyenne. Sans, toutefois, être aussi jusqu’au-boutiste que sur son travail avec le ballon – il faut bien laisser un minimum de champ à l’adversaire si on veut l’attirer dans son camp.

Les équipes de l’entraîneur italien ont cependant les défauts de leurs qualités. Et engendrent des questions qui devraient vite se poser à l’OM, équipe attendue comme dominante en Ligue 1 McDonald’s. Que se passera-t-il si l’adversaire refuse de presser et attend derrière ? Brighton était déjà l’équipe réalisant le moins de passes par-delà la ligne de hors-jeu adverse lors du dernier exercice de Premier League (58,6 par match), signe d’un manque de jeu en profondeur, et a affiché une relative porosité face aux contre-attaques (39 subies, 4e plus haut total ex aequo avec Tottenham). Plus conservateurs dans l’axe, plus directs sur les côtés (40% d’attaques sur la gauche), c’est d’ailleurs dans le dos des ailiers et latéraux que les Seagulls ont concédé le plus d’offensives.

4- Attacking thirds subis par Brighton.png

Le danger ne pourrait pas seulement venir de l’adversaire : l’audace des équipes de Roberto De Zerbi à la relance peut coûter cher en cas de perte de balle. 20 erreurs menant à une frappe adverse ont été commises par Brighton la saison dernière en Premier League (5e plus haut total), dont 9 menant à un but (2e total). Des ratés inhérents au projet de jeu de l’Italien, qu’il faudra assumer pour progresser face aux attentes marseillaises – un travail autant technique que mental. Le nouveau coach phocéen l’a d’ailleurs déjà établi : « Je veux que l’on montre de la personnalité dès le premier match amical ». Ce sera contre Nîmes, lors d’un match de préparation fixé le 21 juillet et pour lequel le rendez-vous est donc pris.

(Photo : OM)

1 - Carrière De Zerbi.png