Ce record statistique du leader parisien face aux Nantais n’a pourtant pas permis au Paris SG de prendre les 3 points contre une équipe relégable, de quoi s’interroger sur l’intérêt de prôner un jeu basé sur la possession.
Peut-on expliquer ce que Luis Enrique qualifie d’« inexplicable » ? Après un nul contre le FC Nantes au Parc des Princes (1-1), l’entraîneur du Paris Saint-Germain n’arrivait pas à justifier le décalage entre l’écrasante domination de son équipe sur le plan statistique et le score de parité qui en a résulté. Le PSG a pourtant signé des records en matière de possession (84.1%) et de passes tentées (1009) sur un match de Ligue 1 McDonald’s depuis qu’Opta collecte ces données (2006/07), mais ce monopole du ballon n’a pas empêché les 2 clubs de se quitter dos à dos et la lecture implacable du résultat ne peut que ternir ce qui aurait pu être perçu comme une démonstration collective.
Ce n’est pas la 1re fois qu’une équipe peine à gagner malgré une possession écrasante. Le précédent record en la matière était déjà un match nul du PSG (1-1 contre Ajaccio en août 2013). D’ailleurs, sur les 10 pourcentages de possession les plus importants en Ligue 1 McDonald’s (toujours depuis 2006/07), on compte seulement 3 victoires pour 6 nuls et une défaite. Nuance supplémentaire, 2 de ces 3 succès ont été obtenus après une supériorité numérique. On ne recense d’ailleurs que 3 clean sheets, même si les 7 autres occurrences n’ont concédé qu’un seul but à chaque fois.
Le PSG de Luis Enrique essaie de gagner la bataille de la possession, mais faut-il encore que son adversaire soit prêt à la disputer. Le FC Nantes, par la voix de son entraîneur Antoine Kombouaré, a clairement annoncé qu’un nul suffisait à ses ambitions et qu’il était prêt à verrouiller le jeu pour parvenir à ses fins. Ainsi, le club de la capitale a joué une large partie de la rencontre comme s’il courait après le score tandis que les Canaris ne cherchaient qu’à protéger le nid gardé par Patrik Carlgren (focus).
L'entraîneur espagnol du PSG est un adepte du jeu de possession et fait figure de référence en la matière en Europe. Il paraît logique de se dire que l’équipe qui a le plus souvent le ballon a le plus de chances de l’emporter, or la réalité est plus contrastée en Ligue 1 McDonald’s. Quand on regarde la répartition de victoires/nuls/défaites pour chaque pourcentage de possession dans la compétition, le ratio de victoires n’évolue pas franchement que l’on soit à 35% de possession ou à 65%. Cela ne signifie pas qu’avoir la possession est inutile, mais que beaucoup d’équipes peinent à bonifier cette possession de balle ou – si on voit le verre à moitié plein – nombreuses sont celles qui optimisent une faible possession de balle.
Néanmoins, il existe bel et bien une corrélation entre possession et performance. Ce n’est pas pour rien que le PSG reste solide leader de la Ligue 1 McDonald’s. Avec une possession moyenne de 70.1% le recordman de titres de champion de France est en train d’établir un nouveau record sur un même exercice depuis qu’Opta dispose de ces données (2006/07).
Sur le terrain, les hommes de Luis Enrique ont le contrôle du ballon dans quasiment toutes les zones en dehors de la surface adverse. C’est encore plus net dans le tiers central du terrain où Paris a un monopole dans le graphique ci-dessous. Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que le joueur touchant le plus de ballons par 90 minutes dans l’élite cette saison soit Vitinha (117 ballons/90m).
À l’échelle d’une saison, la corrélation positive entre possession et performance est bien plus nette. Depuis 2006/07, aucune équipe n’a fait mieux que 3e de Ligue 1 McDonald’s tout en affichant une possession moyenne inférieure ou égale à 50% (TFC en 2007, AJA en 2010, ASM en 2016 et SRFC en 2020). Inversement, sur les 15 dernières années, seul le FC Lorient en 2016/17 a connu une relégation en 2e division malgré une possession moyenne supérieure ou égale à 50%.
Si on met de côté le cas du PSG, les autres équipes ayant misé sur la possession ont obtenu des résultats positifs à l’image de l’OM de Jorge Sampaoli (2e en 2021/22), l’OL vice-champion de France en 2015/16 et 3e en 2018/19 ou le Lille OSC, 5e en 2022/23 mais 1er du championnat en matière d’Expected Points.
Le football, même dans des compétitions aux niveaux et moyens hétérogènes, ne peut se défaire complétement de l’aléa. L’intérêt d’un jeu basé sur la possession est d’essayer d’avoir le maximum de contrôle sur la rencontre, mais un risque minimisé ne veut pas dire qu’il est nul. « Je me dis que ça va changer, c’est sûr, ça ne peut pas continuer », conclue Luis Enrique après la frustration du résultat contre le FC Nantes.
En théorie il a raison, mais ces principes sont aujourd’hui chamboulés car les ambitions du Paris Saint-Germain en Ligue des Champions reposent sur des matchs couperets. Difficile de voir le technicien espagnol suivre une autre direction car – comme disait Johan Cruyff : « Il vaut mieux perdre avec ses idées qu'avec celles d'un autre. »