Interview

Shabani Nonda : « Deschamps m’a rendu davantage "tueur" devant le but »

Son arrivée en France, son meilleur match, son coéquipier préféré, son adversaire le plus redouté, son entente avec ses coachs, Shabani Nonda, ancien buteur du Stade Rennais et de l’AS Monaco, revient sur ses grands moments en Ligue 1 McDonald's.
Publié le 30/08/2024 à 19:00
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Shabani Nonda avec l'AS Monaco.

Repéré en 1998 par Jean-Michel Moutier, ancien du PSG et tout juste arrivé au Stade Rennais, est-il vrai que vous auriez pu découvrir la Ligue 1 McDonald's avec le PSG ?
Au départ lors des premiers contacts, on m’avait en effet davantage parlé du PSG que de Rennes. Mais je n’ai nourri absolument aucun regret de ne pas y avoir signé. Car à l’époque pour moi, l’essentiel était avant tout d’arriver en Ligue 1. La France était mon premier objectif, puisque j’étais alors à Zürich, où l’acclimatation n’était pas toujours évidente. Notamment pour la langue. Ce n’était pas facile, même si je prenais des cours…

D’autres raisons vont-elles convaincues de rejoindre le Stade Rennais ?
Quand on m’a en parlé, je me suis renseigné sur le Stade Rennais. J’ai découvert qu’il y avait un beau projet en construction avec l’arrivée de M. Pinault, que Paul Le Guen allait prendre l’équipe. C’était un grand joueur, alors j’ai pensé que ça serait une bonne chose. L’idée d’arrivée au début d’une aventure me plaisait plus que d’aller là où tout était déjà installé. Et il y avait Jean-Marc Ferreri qui était avec moi à Zürich ; il me parlait beaucoup dans le vestiaire, notamment du championnat de France. En tant que Francophone avec de l’expérience (35 ans à l’époque), il était comme un grand frère pour moi qui n’avait que 20 ans.

« Avec Rothen, le ballon pouvait arriver à tout moment »

Quelle image aviez-vous à l’époque du championnat de France ?
Celles de ma jeunesse avec George Weah, Abedi Pelé, Jean-Pierre Papin….que des grands joueurs. Chez nous, il y avait une émission de TV tous les mardis vers 18h qui repassait tous les buts. Je ne la manquais jamais.

Quel match vous a-t-il le plus marqué au cours de votre carrière ?
Il y a d’abord celui en Intertoto contre la Juventus avec le Stade Rennais (2-2, août 1999). C’était un match particulier, car en face il y avait Zidane, Del Piero, Inzaghi...J’étais jeune (22 ans), je ne pouvais pas imaginer affronter cette équipe de niveau Ligue des Champions. Et il y a aussi eu la demi-finale contre Chelsea, lorsqu’à l’aller je marque dans la minute après mon entrée en jeu (3-1). Même si je n’ai pas beaucoup joué, cela te marque à vie. Et en Ligue 1, il y a eu un match spécial pour moi à Monaco, avant ma blessure contre le PSG (en août 2003 pour 7 mois d’absence). C’était contre Bordeaux (2-0, doublé de Nonda). Ludo (Giuly) était absent, et le coach m’avait donné le brassard. J’étais surpris ! Et je ne m’étais jamais autant impliqué psychologiquement dans un match.

Avec quel joueur avez-vous eu la plus grande affinité sur le terrain ?
Avec Jérôme Rothen. Je n’ai jamais vu de joueur qui avait une patte aussi précise que lui. Dans toutes les positions, il pouvait te poser le ballon où il voulait. Il ne fallait pas lui laisser le moindre centimètre. Il avait ça en lui. Il n’avait pas de velléités pour marquer, mais les passes décisives étaient sa grande motivation. De la même façon qu’un attaquant se bat pour tirer, lui donnait l’impression de systématiquement rechercher la dernière passe. Il fallait être prêt avec Jérôme, car le ballon pouvait arriver à tout moment, même si ça semblait impossible !

Avez-vous toujours évolué au poste d’attaquant ?
J’ai commencé comme n°5, puis après n°8, n°10 pour finir attaquant ! Je suis parti de loin ! C’est pour ça que les défenseurs ne m’aimaient pas, car je savais ce qu’il fallait faire pour les embêter. J’étais agressif, car c’était la bagarre. Quand j’étais défenseur, moi aussi je mettais quelques coups (rires).

Quel coach vous a le plus marqué lors de votre carrière en France ?
Entre Paul Le Guen, Claude Puel et Didier Deschamps, j’ai eu de la chance ! Le Guen était rigoureux et donnait des consignes tout en laissant de la liberté. Ce qui m’a beaucoup aidé à m’épanouir. Contrairement à mes débuts à Monaco, où j’étais écrasé par les contraintes. Il m’a aussi fait prendre conscience que le foot c’est du sérieux. Claude Puel m’a lui inculqué le travail. Il fallait tout donner. Il montrait l’exemple lorsqu’il s’entraînait avec nous. C’était vraiment une de ses valeurs, pas simplement un discours. J’ai appris ça avec lui. Didier m’a apporté la régularité, la connaissance du très haut niveau. Et je lui dois le fait d’être devenu davantage « tueur » devant le but.

« Heinze, je n’aimais pas jouer contre lui »

Quel coéquipier vous a le plus impressionné en Ligue 1 McDonald's ?
Marcelo Gallardo. Il était vraiment technique…et aussi très bagarreur. Il était impossible de lui prendre le ballon. Et ça, que tu sois rapide, costaud ou n’importe quoi d’autre. Et aussi Marco Simone. Il était explosif. Dans les petits périmètres, il avait une telle vivacité dans ses enchaînements !

Et quel a été l’adversaire le plus coriace ?
Un autre Argentin, Gabi Heinze. Je n’aimais pas jouer contre lui... Il ne lâchait jamais rien. Quand tu pensais l’avoir éliminé, il revenait en se jetant. Tu ne savais pas d’où il sortait ! Même battu, il réussissait toujours à t’embêter. Il avait cette grinta et de la malice. Il te marchait dessus comme s’il ne t’avait pas vu et après il s’excusait (rires).

Enfin, y a-t-il eu des équipes que vous appréciez particulièrement affronter ?
Pas vraiment…Mais en tous les cas, pas les derbys. Quand j’étais à Rennes, les matchs contre Nantes ne se passaient pas bien du tout (il a connu une 1 victoire en 10 matchs). Et puis à Monaco, ce n’était pas tellement mieux contre Nice (1 victoire lors de ses 3 saisons à l’ASM). Donc les derbys, ça ne me réussissait pas, à la différence des gros matchs face au PSG, l’OL ou l’OM.