« Je me souviens d’attaquants comme Réginald Ray, Laurent Dufresne qui cassaient tout en Ligue 2 BKT, mais qui n’ont jamais passé le cap en Ligue 1 McDonald's. Peut-être que ce championnat était plus prétentieux qu’aujourd’hui. », disait en juin 2019 à So Foot Steve Savidan, très bel exemple de la réussite possible pour un ex-top buteur de Ligue 2 BKT parvenu à briller par la suite au niveau supérieur, à tel point que cela l’a conduit jusqu’aux Bleus. L’ancienne idole de Nungesser évoquait à cette occasion un autre profil de joueurs, celui de talentueux buteurs aguerris, dont les noms sont historiquement associés aux soirées de la deuxième Division du côté de Niort, Valenciennes, Le Havre, Ajaccio, Rouen, Laval, Beauvais ou encore Dunkerque qui retrouve d’ailleurs cette saison la Ligue 2 BKT, 24 ans après, mais qui n’ont pas connu la même réussite parmi l’élite.
Des buteurs qui ont souvent été dénichés dans les divisions inférieures, parfois même sans avoir connu de centre de formation, mais qui ont acquis une réputation qui leur a permis d’hériter de surnoms comme ceux de « Faurégol », « Tonygoal » ou encore « Dudigol »…. Plus largement, ce type de buteurs est surnommé « renard des surfaces ». Appellation que Didier Monczuk et ses 123 buts en D2 ont bien illustrés dans les années 80-90. « Je n’avais pas la rapidité des attaquants actuels », expliquait-il dans une émission de Planète Racing. « Je ne partais pas de loin. Mon truc c’était de suivre les actions de mes coéquipiers. Quand un tirait au but j’essayais d’imaginer selon l’angle de tir où le ballon pourrait revenir. Ce qui me permettait de surprendre les défenseurs en prenant un petit temps d’avance ».
Des buteurs qui sont ô combien déterminants à ce niveau pour espérer décrocher une montée parmi l’élite. Ce qui a été le cas pour sept clubs depuis dix ans : Brest (Charbonnier), Nîmes (Bozok), Troyes (Niané), Caen (Duhamel), Guingamp (Yatabaré), Reims (Fauré) et Dijon (Ribas). « Quand tu as un buteur comme Charbonnier qui te plante 27 buts, tu n’es pas loin de la montée », confirme la déclaration de Robert Malm, ancien attaquant et désormais consultant Ligue 2 BKT pour beIN SPORTS.
Des attaquants qui n’ont pas eu l’occasion d’utiliser ce championnat comme un tremplin pour la Ligue 1 McDonald's, à la différence par exemple des internationaux Papin, Madjer, Guivarc’h, Gravelaine, Marlet, Drogba, Adebayor, Niang, Gameiro et autres Aubameyang et Mané.
Une race de buteurs toujours présente, bien que clairement en infériorité numériquement en 2020. Pour cela, il suffit de consulter le classement historique des meilleurs réalisateurs du championnat depuis un peu plus d’une décennie (2007/08) au sein duquel Gaëtan Charbonnier et Habib Diallo sont partis rejoindre Ligue 1 McDonald's. A ces départs sont venus s’ajouter ceux l’année précédente des anciens Ghislain Gimbert et Riad Nouri après celui de Mathieu Duhamel en 2018.
Quand les habitués Touzghar, Armand et Dona Ndoh pointaient dans le top 10 des buteurs la saison passée, ces buteurs historiques de Ligue 2 BKT avaient vu lors de la saison écoulée leur influence diminuer au profit de Kadewere, Wissa, Sissoko et Grbic.Ces quatre-là ne foulent plus les pelouses de Ligue 2 BKT cette saison, et s'ils ont laissé la place à de nouvelles tête, les anciens tiennent encore le coup. Et mieux que cela même, puisque Le Bihan (AJA) lutte pour le trophée de top buteur 2020/21, Touzghar (ESTAC) et Dugimont (AJA) sont très bonne figure dans les tops positions. Même Romain Armand (Pau) et Yannick Gomis (EAG) sont parmi les réalisateurs les plus performants.
Cette saison, plusieurs sont d'ailleurs revenus dans le championnat. et notamment deux anciens meilleurs buteurs : Bozok (ESTAC), top scoreur 2017/18 avec Nîmes qui y cumule 27 réalisations, et Adama Niané (FCSM), meilleur buteur 2016/17 avec Troyes. A eux s'ajoutent Khalid Boutaïb (HAC) qui avait marqué à 20 reprises avec Strasbourg la saison du titre (16/17), Kévin Fortuné (AJA) et ses 32 buts en carrière ou encore Matthias Autret (AJA) qui en est à 36 unités depuis ses débuts brestois en Ligue 2 (2009/10).
Septième du classement des top buteurs depuis 2007/2008, Ande Dona Ndoh a ajouté la saison écoulée une 62e réalisation dans le championnat, son unique but sous d’autres couleurs que celles des Chamois Niortais, dont il est le meilleur réalisateur historique. Pourtant à son arrivée en 2014, Dona Ndoh n’entendait parler que d’Emiliano Sala qui venait de claquer 18 buts lors de son prêt la saison précédente. Mais lui souhaitait s’inscrire dans la durée au club, « marquer l’histoire ». Et s’il a goûté à la Domino’ Ligue 2 au HAC en 2007, c’est bien dans les Deux-Sèvres, où il a atterri dix ans après son arrivée en France avec Jean-Marc Nobilo (2004), que l’actuel Nancéien a affiché des qualités retrouvées chez bon nombre de buteurs « made in Ligue 2 » : à savoir la générosité dans les efforts et la science du but. Pour cela, il a notamment pu compter sur les conseils de Lilian Laslandes à ses débuts chez les Chamois : « Il m’a beaucoup soutenu et nous avons tout de suite eu un bon feeling », se rappelait le Camerounais.
Ande Dona Ndoh n’est pas le seul buteur à avoir ferraillé dans les divisions inférieures. Avec ses 69 unités en Ligue 2 BKT, Yoann Touzghar ne déroge pas à la règle : lui qui pointe à la 2e place du classement historique des buteurs actuellement en Ligue 2 BKT derrière Nouri. L’international tunisien avait marqué quatre buts avant de se blesser en novembre 2019 avec l’ESTAC, club face auquel il avait signé sa 1ère réalisation avec l’Amiens SC, il y a plus de dix ans. Un championnat que Touzghar n’a découvert qu’à 24 ans, mais qu’il n’a ensuite quitté que pour accompagner le RC Lens, monté en 2014, et vivre l’année suivante une expérience à l’étranger (Club Africain, Tunisie). Si à Auxerre (16/17), son coach Viorel Moldovan, ancien grand buteur et champion avec le FC Nantes en 2001, voyait en lui un « grand sens du but », il n’y a pas connu la réussite (12 matchs, 3 buts). Celle-ci est vite revenue dans l’Aube. D'abord avec Rui Almeida, quand le Franco-Tunisien a réalisé son record de buts lors d’un même exercice avec l’ESTAC (14), dans un 3-5-2. Et maintenant à 34 ans avec Laurent Batlles. Puisque d'ici mai, Touzghar pourrait faire tomber son record...
Révélé sur le tard au FC Rouen (National), Rémy Dugimont est un autre historique de l’antichambre de l’élite, où il pointe à 61 unités. L'actuel Auxerrois est certainement l’un des mieux placés pour évoquer le niveau actuel de la Ligue 2 BKT et rappeler que tout peut y aller très vite. « Ce championnat monte en puissance. C’est vrai que c’est aussi un championnat très physique et où rien n’est jamais joué pour personne. », expliquait-il sur le site de So Foot. Une façon de dire que le niveau moyen du championnat a progressé et que par conséquent les buteurs doivent y redoubler d’efforts. Nous sommes loin des années 80 où un Roby Langers alors en tête des buteurs avec Orléans résumait la différence entre les deux championnats par un : « En D1, on joue au ballon, alors qu’en D2 on prend des coups ».