Légendes

Buteurs maison : la Ligue 2 BKT les a fait briller

Les années 1980-1990 ont vu évoluer en Ligue 2 BKT des attaquants de caractère qui s’y sont faits une belle réputation de goleadors. De Orts à Michel en passant par Roux, Monczuk ou encore Van Kets.
Publié le 01/07/2024 à 14:30
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Les buteurs de légendes de Ligue 2 BKT.

Il fût un temps où la Ligue 2 BKT n’était pas encore un précieux vivier pour la Ligue 1 McDonald's. Dans les années 1980-1990, les meilleurs attaquants de ce championnat n’ont pas systématiquement trouvé leur place à l’échelon supérieur. A une époque où un plafond de verre séparait encore les deux championnats, les Cubaynes, Cavéglia, Calderaro, Paille, Djorkaeff, Zitelli, Guivarc’h font ainsi partie des exceptions.

Dans cette catégorie figurent en bonne place des noms tels que Bruno Roux, Didier Monczuk, Patrick Martet, Philippe Prieur, Jean-Pierre Orts ou encore Patrick Van Kets, deux fois 2e meilleur buteur de Ligue 2 avec Le Mans en 1995 et 1996 derrière Tony Cascarino.

Dans la famille Roux, le père Père de Nolan, Bruno Roux a été un buteur reconnu en D2 avec ses 124 réalisations, son titre avec le HAC (1991) ou encore sa participation à la montée du Stade Rennais F.C. en 1994, en guidant les jeunes attaquants Wiltord et André, et ses 23 buts castelroussins la saison suivante (3e des buteurs). Mais c’est bien dans l’Oise que Bruno Roux a ses attaches. A Beauvais, il y a débuté en 1985 pour également y finir sa carrière en mai 1999. Avant d’enflammer Pierre-Brisson, Roux a percé à une époque où les talents étaient plus difficilement détectés par les centres de formation. Mécanicien, l’attaquant a été conseillé au club beauvaisien par son banquier alors qu'il avait tout juste 20 ans. Forcément, tout en travaillant encore à côté, il découvre la D2 comme amateur. « Je n'avais pas forcément envie d'être pro, la D2 c'était déjà super. », a-t-il confié à Libération. Et après avoir notamment porté les couleurs d’un PSG orphelin de Rocheteau et Halilhodzic, l’attaquant a choisi de faire de la 2e Division son terrain de jeu, même s’il a accompagné le HAC en D1 (91/92). Après deux saisons dans l’élite, Bruno Roux a décidé de renouer avec l’antichambre et de s’engager avec le Stade Rennais de Michel Le Milinaire. Et quand les Rouge et Noir ont retrouvé l’élite en profitant de sa dizaine de buts, Bruno Roux y est lui resté pour faire ce qu’il faisait le mieux, à savoir enquiller les buts dans le Berri. Avec 23 réalisations, Bruno Roux y a finalement signé sa saison la plus prolifique de sa carrière, sans que cela ne lui ouvre davantage les portes de l’élite.

Quand la « D1 » n’était pas encore fan de la « D2 »

Dans le même registre, Patrick Martet, double meilleur buteur de D2 en 1979 (Brest) et 1988 (Rouen), le second glané à 33 ans, et qui a d’ailleurs fréquenté Bruno Roux à Beauvais (86/87), est un bel exemple de buteur ayant fait sa réputation et sa carrière à ce niveau. Il est aussi passé par le HAC entre 1981 et 1984 (63 buts), uniquement en Deuxième Division, puisqu’à cause d’une blessure il n’a connu l’élite que le temps de dix rencontres disputées sans marquer avec le Stade Brestois en 1979/80 ; saison ayant pourtant suivi celle de ses 26 réalisations en Bretagne…en D2. Une fois Brest redescendu, l’attaquant a retrouvé une place dans le onze et envoyé le SB29 à nouveau parmi le top 20 hexagonal. Preuve que la Ligue 1 McDonald's n’était pas faite pour celui qui est encore le 2e meilleur buteur de l’histoire de la Ligue 2 BKT, Martet a choisi cette fois de ne pas accompagner les Bretons en Première Division.

Autre renard des surfaces de l’époque, Philippe Prieur, meilleur buteur de D2 en 1987 et historique du HAC, où il a du coup formé une redoutable paire avec Patrick Martet. « C’était un régal ! Il était costaud, très bon de la tête et moi j’étais autour. Je récupérais les miettes, c’était magnifique », racontait Prieur, qui a dépassé les 100 buts et a approché les 300 rencontres en D2 entre 1977 et 1992 (itw de Costa Bordino).

« Si j’ai un regret c’est celui de ne pas avoir percé en D1. Pourtant, je pense avoir le niveau. Mais il y a une différence avec aujourd’hui. A l’époque, la D1 ne faisait pas d’efforts, notamment financiers, pour recruter en D2. » L’ancien buteur havrais, caennais ou encore niortais a aussi avancé qu’il a fallu attendre longtemps avant qu’un buteur estampillé 2e Division brille au niveau supérieur. Pour lui, François Calderaro est le premier buteur de D2 à avoir validé son passage dans l’élite. En effet, le Rémois est un bel exemple de réussite.

Calderaro, presque « un pionnier »

Révélé dans les années 1980 dans le Reims de Carlos Bianchi (17 buts en 86/87), l’avant-centre a confirmé en D1 avec Metz, où il a atteint la 2e place du classement des buteurs derrière JPP, et ensuite au PSG avec lequel il a été sacré champion de France en 1994. Après avoir subi la concurrence de Weah et Ginola dans la capitale, l’avant-centre a terminé 2e top buteur de D2 en 1994/95 (25 buts) avec le Téfécé de Rolland Courbis, préférant d’ailleurs s’y relancer plutôt que de répondre aux sollicitations venant de D1. « Lorsque l’on a goûté à la D1, c’est difficile de descendre d’un cran. J’ai dû me faire à cette idée qui, au départ, ne me plaisait pas trop… Mais j’avais besoin de ce challenge pour retrouver cette motivation qui me caractérisait à mon arrivée au PSG », avouait-il à son arrivée dans la ville rose en 1994/95. « Le niveau technique de la D2 a bien progressé. J’étais un peu resté sur l’idée d’un championnat très physique. Maintenant, il y a les deux ». Les performances de premier choix réussies pour ces retrouvailles n’ont toutefois pas mis la D1 en émoi, puisque Calderaro a encore évolué deux autres saisons dans l’antichambre avec les Toulousains.

Au même moment, Stéphane Guivarc’h se faisait une belle réputation du côté de Guingamp en duo avec Lionel Rouxel. Le champion du Monde 98 pourrait aussi être placé aux côtés de Calderaro parmi les premiers buteurs à l’aise dans les deux championnats. Recruté par l’En Avant et Yvon Schmitt (responsable de la formation) au moment du dépôt du bilan du Stade Brestois (1990/91), Guivarc’h a hissé l’EAG en D1 quatre ans plus tard avec ses 23 réalisations, ses dernières à ce niveau à 25 ans. En 1994, l’attaquant a franchi sans encombre « le fossé » entre le National et la D2 pour scorer 23 fois après ses 28 buts la saison précédente. Et en faire ensuite autant pour dominer en D1.

« Avec les Orts, Monczuk, Martet, nous n’avions pas de crédit », a résumé Prieur qui faisait se lever Venoix entre 1986 et 1988 avec ses 33 unités. Une époque qu’il a estimé révolue, en voyant les clubs de l’élite piocher souvent en Deuxième Division. « Avant, certains préférait prendre un attaquant qui jouait et marquait peu en D1 plutôt que d’aller chercher un qui marche bien en D2 ». Aujourd’hui, Philippe Prieur aurait peut-être connu un autre parcours, lui qui n’avait finalement jamais vu se concrétiser les pistes PSG avec Francis Borelli, Bordeaux ou encore Saint-Etienne.

Jean-Pierre Orts, l’historique

Plus encore que ces légendes, Jean-Pierre Orts a été l’emblème des attaquants qui ont connu la réussite en 2e Division. De 1982 à 1995, le buteur n’a fait qu’une seule infidélité à la Ligue 2 BKT, en 1988 avec l’AS Cannes. Autrement, JPO a imposé sa patte sur le championnat en terminant quatre fois meilleur buteur (1988, 90, 92 et 93), la première fois avec l’OL, où il a vu éclore un autre canonnier de la seconde Division Franck Priou (105 buts en carrière et top buteur en 1993 avec l’AS Cannes promu en 1ère Division), les autres au FC Rouen. Et cela, sans avoir pu aller collectivement plus haut que les Barrages avec ces deux clubs. Comme un symbole, le Parisien d’origine avait été recruté à 17 ans par un club de D2, le LOSC (1977), mais ce n’est que cinq ans plus tard qu’il y a joué pour la première fois avec le Stade Français. Une longue présence en D2 qui l’a aussi contraint à s’adapter à l’évolution du championnat. En 1990, l’attaquant regrettait de voir de plus en plus de « Rambo » dans des équipes à vocations défensives : « le foot est de moins en moins technique. Avant 70% de l’équipe était composée de techniciens, aujourd’hui les joueurs physiques sont majoritaires ». Une transformation qui ne l’a pas empêché de dominer le championnat à plus de 30 ans.

Après sa carrière, Jean-Pierre Orts a livré une explication à cette orientation de carrière. « A chaque fin de saison, un club de D1 me contactait. Mais à l’époque, j’avais des opportunités financières plus importantes en D2. Normal, car à chaque fois je marquais une vingtaine de buts. En D1, il y avait un bémol. On me disait que je devais faire mes preuves ». Avec le recul, Orts estimait avoir commis sa « plus grosse erreur », car il se serait bien vu briller au niveau supérieur : « J’étais doué. J’ai eu Marseille, Monaco, Lens, Sochaux… J’aurais pu être parmi les meilleurs buteurs de D1. ».

Au FC Rouen, son dernier club où il a cumulé plus de 70 réalisations, Orts a formé un duo performant avec Christophe Horlaville, autre attaquant d’instinct qui a lui aussi connu ses plus belles heures en D2, et notamment à Robert-Diochon, avant de lui se développer parmi l’élite.

Monczuk, une légende parmi les légendes des buteurs

Auteur de 123 réalisations en D2, Didier Monczuk est une autre légende qui n’a jamais été mis dans les meilleures conditions pour aborder l’élite. Arrivé à Strasbourg en D2 à 28 ans et après une expérience mitigée au niveau supérieur avec Guy Roux à l’AJA, où il était attendu pour succéder à Eric Cantona, l’attaquant y a écrit les plus belles pages de sa carrière avec trois titres consécutifs de meilleur buteur ! De quoi faire oublier Peter Reichert, son prédécesseur. Pourtant au début, rien ne laissait supposer un tel succès, car le club avait en tête de le transférer au Red Star au bout d’un mois… Piqué au vif, Monczuk a répondu de la meilleure des façons le match suivant en signant un triplé en 25 minutes en sortant du banc…De quoi finir de convaincre le club strasbourgeois de la qualité de leur nouvelle attaquant.

Auparavant, c’est au FC Rouen que l’avant-centre a découvert la D2, mais en évoluant sur les côtés de l’attaque. Toujours la faute à une forte concurrence. « Ce n’était pas évident de lutter avec Jean-François Beltramini pour jouer dans l’axe », avait déclaré le joueur. En Normandie, l’attaquant a participé à la remontée des Rouennais en 1982. Mais ses trois saisons parmi l’élite sont mitigées. « J'ai essayé de trouver un club de 1ère division en vain », a raconté l’attaquant qui a alors rebondi au FC Istres, où il a formé le premier de ses duos d’attaque avec Franck Priou. Tout en se fixant comme objectif d’atteindre les 15 buts par saison « et le reste c’est du bonus », Didier Monczuk s’est ensuite construit sa réputation de finisseur à Alès avec une première apparition sur un podium des meilleurs buteurs de D2 (20 buts). Sa réussite a tapé dans l’œil de Guy Roux qui l’a fait superviser une vingtaine de fois avant de lui proposer de rejoindre Auxerre. Malgré ce nouvel épisode plus réussi parmi l’élite avec l’AJA de Guy Roux en marquant 10 buts, où il a profité des ailiers Cocard et Vahirua et de Mlinaric en dix, et en étant sélectionné avec les A’, l’attaquant n’a passé qu’une saison en Bourgogne.

Ensuite, le buteur a donc atterri en D2, chez un relégué, Strasbourg. Au sein du Racing du président Hechter, Didier Monczuk est associé avec réussite à Youri Djorkaeff, puisque les deux attaquants ont permis au club de finir la saison 89/90 avec la meilleure attaque (70 buts). Individuellement, il y a décroché le premier de ses trois titres avec 26 unités. Sa 3e et dernière saison strasbourgeoise a été la plus accomplie, malgré une entente à courant alternatif avec le nouvel entraîneur, Gilbert Gress, qui lui confie le brassard avant de le lui retirer en cours de saison. « On m’a prévenu qu’il n’aimait pas les attaquants, que ça serait compliqué », a confié après coup le joueur qui malgré cela a tenu à rester dans un club où il se sentait bien.

Et si à Strasbourg il est finalement parvenu à faire monter le club au bout de trois tentatives lors des Barrages face à Rennes, lui n’a pas été du voyage. « J'ai donc dû une nouvelle fois me résigner à partir d'un club où je me sentais bien sans connaître la D1. J'aurais pourtant bien fini ma carrière à Strasbourg. » Le jour de la victoire contre Rennes en barrages, Monczuk était partagé entre « la joie de la montée pour le Racing et la déception de devoir partir. J’avais tout donné, tout fait pour faire oublier Peter ».

Finalement non retenu par Gilbert Gress en Alsace, c’est finalement à Nîmes à 31 ans, avec une casquette d’ancien que Monczuk a disputé ses derniers matchs en D2 (93/94). Il aurait pu en ajouter quelques autres après la montée décrochée avec Saint-Brieuc en 1996, où il avait flambé en National avec Le Saux, mais le club a préféré miser sur des profiles plus jeunes.

Georges Peyroche, ancien joueur et entraîneur notamment victorieux des Coupes de France 1982 et 1983 avec le PSG, a eu Monczuk dans son équipe à Quimper (87/88) et a estimé qu’il s’agissait « d’un grand technicien, doublé d’un grand attaquant. Il possède toutes les qualités de l’attaquant moderne. », soit loin des préjugés parfois relayés sur les qualités de footballeurs de ces goleadors. Dans ces propos du début d’année 1991, l’ancien coach prédisait un avenir en D1 à l’attaquant : « Il est capable d’évoluer au niveau supérieur. En D1, vous verrez qu’il y sera à l’aise… ».

Au cours des fleurissantes années 1990, Saint-Brieuc a aussi connu sa période d’attaquants dont les noms sont historiquement liés au championnat, avec notamment sa doublette Le Saux-Monczuk qui n’a malheureusement jamais pu œuvrer dans ce championnat, uniquement en National. Tout comme son ancien coéquipier (triple top buteur de D2), Yannick Le Saux est parvenu à terminer en tête du buteur de la saison (27 buts) en 1993/94, après avoir obtenu le titre en National la saison précédente, mais avant de manquer six mois de compétition sur une fracture du péroné qui a brisé son élan… 

Robert Malm a aussi fait partie de cette aventure briochine. « J’étais un joueur qui se créait beaucoup d’occasions, mais je ne cadrais pas assez », se souvenait Malm, qui se rappelait avoir bien profité des conseils d’un Le Saux, de huit ans son aîné.

Malm, la « D2 » dans la peau

Attaquant de profondeur, le Togolais fait lui aussi partie de ceux qui sont associés au championnat de Ligue 2 BKT, où il a évolué avec Dunkerque, Nîmes, Saint-Brieuc, Lorient, Valence, Gueugnon, Wasquehal, Grenoble, Brest et Montpellier. Ses débuts ont eu lieu lors d’un barrages retour avec le RC Lens contre Montpellier, en mai 1991. S’en sont suivie quinze saisons de D2 au cours desquelles Robert Malm a signé une centaine de réalisations et plusieurs aventures, comme celle avec Saint-Brieuc, mais aussi auparavant au FC Lorient avec 16 buts à 24 ans pour aider les Merlus à accéder à la Ligue 1 Uber Eats pour la première fois. A l’époque, l’attaquant n’était que prêté et n’a pas pu confirmer en Bretagne. Rapide et doté d’un bon jeu de tête, Malm était aussi réputé pour sa générosité. En marge de la D1, l’attaquant est « fier de sa carrière et de sa longévité », même si les choses auraient pu être différentes, comme les touches avec le PSG en 1998 qui ne se sont finalement pas concrétisées. Une étiquette de joueur de 2e niveau qui ne l’a pas privée d’une participation à la Coupe du Monde en 2006. « J’aurais peut-être pu mieux faire, mais beaucoup aurait sans doute aimé avoir ma carrière », a aussi rappelé Malm sur Brest On Air.

Les années 1990 ont connu de nombreux buteurs catalogués D2. Notamment du côté du Mans, qui évoluait à Léon-Bollée.

« J’ai connu deux grands au Mans : Reginald Ray, qui avait fini meilleur buteur en 1998, et Patrick Van Kets, qui était énorme et marquait but sur but. Pendant ce temps-là, Didier Drogba était le petit jeune », a expliqué l’ancien milieu Emerick Darbelet. Le club manceau, dont Patrick van Kets est le 2e meilleur buteur de l'histoire (66 buts) derrière Vincent Créhin, était une véritable terre d’attaquants, où ont poussé Dagui Bakari et Daniel Cousin et qui a aussi connu Koffi Fiawoo, douze saisons de D2 pour une bonne cinquantaine de buts. Un club qui a traditionnellement donné leur chance aux jeunes et aux inexpérimentés.

Ensuite, dans la catégorie des buteurs épanouis en Ligue 2 BKT se trouve notamment Samuel Michel. L’attaquant s’y est taillé une solide réputation en près de 400 matchs et 135 buts, mais jamais le Stade Rennais F.C. ne lui a confié les clés de son attaque dans l’élite, malgré des prêts concluants à Caen et à Sochaux pour celui révélé au Red Star en 1993. En Normandie, Michel a contribué au titre de champion de D2 de Malherbe avec 14 unités, en formant un duo redoutable avec Franck Priou. Quatre ans plus tard, et après avoir empoché un titre de top buteur du championnat chez les Lionceaux en 1997 (23 buts), Michel contribue à la montée de l’EA Guingamp en Ligue 1 McDonald's (12 buts), mais Guy Lacombe lui a donné à nouveau un second rôle à l’échelon supérieur (8 matchs), dans l’ombre du duo Fabrice Fiorèse-Bruno Rodriguez. «  Peut-être que je n'étais pas un athlète dans le sens physique. Pas de grosse qualité physique d'endurance ou de vitesse peut être ceci explique cela », tentait d’expliquer l’attaquant en 2010 concernant sa faible réussite en Ligue 1 McDonald's. Ce qui ne l’a pas empêché de se déclarer « très satisfait » de sa carrière, qui lui a notamment permis de vivre un titre avec le SM Caen (95/96) dans « un stade plein à tous les matchs et une belle aventure humaine ».

Mangione, Weiss, Bossis et Lobé : hommes forts de « D2 »

Dans les riches années 1980-90 avec une D2 bien fournie et comptant deux groupes de dix-huit clubs, plusieurs carrières de joueurs illustrent bien la spécificité de ce championnat pour les attaquants. Comme par exemple Yves Mangione qui a marqué les esprits par ses talents de finisseur avec une centaine de réalisations. En partie à Bastia, où il a atteint son meilleur total sur une même saison : vingt (1992/93). Mais partout où il est passé en D2, il a marqué : Alès, Valenciennes, Valence et donc Bastia. « Je me morfondais à Toulon et plutôt que de faire banquette, j’ai demandé à partir. Alors quand Bastia m’a sollicité, je n’ai pas hésité », avait expliquait l’attaquant à France Football en 1992. Déjà à Alès, Mangione s’était illustré. « J’y avais marqué 17 buts et nous avions réussi à causer pas de mal de soucis aux grosses cylindrées comme Nice et Strasbourg ». Une aventure qui lui a permis d’être rapatrié par Toulon la saison suivante en D1, mais pas d’y jouer davantage… Et à Bastia, l’avant-centre est même devenu l’idole locale, et même « le roi de Furiani » à en croire les banderoles déployées dans le stade en 1991/92.

Du côté de Valence, Yves Mangione avait succédé à un autre buteur pour qui la D2 a été un sommet : Patrick Weiss. Révélé à 30 ans, le Vosgien a ainsi claqué 86 buts dans le championnat entre 1990 et 1996, dont notamment vingt lors de la seule saison 1994/95. La découverte de ce niveau ne l’a pas du tout dérangé : « Au fil des matchs, je m’aperçois qu’il n’est pas difficile de la mettre au fond et que j’y ai parfois rencontré des défenses moins rigoureuses qu’en D3 », révélait-il six mois après ses premiers pas.

Joël Bossis, jeune frère de l’illustre Maxime, a lui aussi richement animé les soirées de D2 entre 1984 et 2002. « Faux 10 ou faux 9, comme on veut, j’ai toujours évolué très haut. Marquer je sais donc le faire. Je me considère plus comme un 3e attaquant, capable de marquer et de faire marquer », a-t-il expliqué dans France Football. Sa longévité lui a fait porter les maillots de La Roche-sur-Yon, du Mans, de Châteauroux, où Victor Zvunka le laisse libre de ses mouvements (un triplé réussi au Vélodrome en 1994), et surtout de Niort (6 saisons), où il a été le meilleur buteur du club (51 buts en 205 matchs) jusqu’à Ande Dona Ndoh. « Il n’y a qu’en France où l’on accorde autant d’importance à l’âge. Moi je suis toujours compétitif. J’ai la même forme qu’il y a dix ans », se justifiait-il déjà en 1998.

Passé pro seulement à 24 ans après avoir exercé en parallèle de sa carrière son métier d’ébéniste, l’attaquant n’a fait qu’une infidélité de 21 rencontres à la D2, avec Martigues (93/94), sans s’y imposer (1 but) et où il jouait plus défensif. «Mon regret de compétiteur est de ne pas m'être imposé en D1. Ce n'est qu'à 30 ans, c'est-à-dire trop tard, que j'ai été au meilleur de ma forme. », a déclaré l’intéressé à la Nouvelle République en 2015. Brillant gaucher, Bossis « a certainement été pénalisé par sa timidité, car il avait les qualités pour jouer au niveau supérieur », estimait Joël Coué, ancien-président des Chamois. « C’est une question d’éducation. Chez les Bossis (famille de huit enfants), on n’aime pas s’afficher », justifiait l’attaquant. Son frère international et champion d’Europe 1984 a abordé le sujet : « Vers 19 ans, il est venu au FC Nantes pour un stage. Il n’était pas plus mauvais que les autres, juste un peu plus âgé. Je n’étais pas présent pour le soutenir. Certainement trop timoré, il n’a pas été retenu…A mon avis, c’est à ce moment-là qu’il a laissé passer sa chance ».

Notamment successeur de Jean-Pierre Orts aux côtés d’Horlaville au FC Rouen en 1993, Samuel Lobé est lui aussi passé par la D1, mais en excellant davantage au niveau inférieur. Pourtant, débuter sa carrière à 17 ans sous les ordres d’Arsène Wenger avec l’ASNL en Ligue 1 McDonald's est le signe d’une certaine qualité pour celui qui a bouclé sa formation en Lorraine avec Alain Perrin. Jamais vraiment dans son élément en Lorraine, l’athlétique attaquant a, outre en Normandie (17 buts en 1993/94), trimbalé ses qualités de finisseurs au Gazélec, Dijon, Bourges, Créteil, Laval, Lille, Troyes et Martigues. C’est à l’approche de la trentaine que le Normand de naissance a réalisé ses saisons les plus abouties individuellement. Après les difficultés rouennaises, Lobé retrouve des couleurs chez les Tangos où sa puissance paye. 

En Mayenne en 1995/96, Lobé score 20 buts pour une belle 2e place au classement des buteurs, après notamment un triplé réussi face à Charleville en avril. Deux ans plus tard, de retour en D2, il trouve le chemin des filets dix-neuf fois avec le LOSC, pour une nouvelle 2e place chez les buteurs, derrière Réginald Ray. Egalement élu meilleur joueur du championnat 1997/98, Samuel Lobé a patienté une année supplémentaire pour découvrir les joies de la montée avec Troyes et son ancien formateur, Alain Perrin. Et forcément c’est en D2 et après 109 buts inscrits qu’il a fini sa carrière en pro avec Martigues.