L’expérience ! Le fait d’avoir pu disputer un premier EURO nous a permis de mieux appréhender le suivant. Il y avait des joueurs qui avaient acquis davantage d’expérience, comme Didier Deschamps ou encore Laurent Blanc, mais surtout les joueurs commençaient à voyager, à connaître autre chose que les clubs français en évoluant dans des championnats étrangers. En 1992, il y a eu une super qualif’ et à la fin on a tout raté. On n’a pas su mettre certaines choses de côté pour se concentrer sur le foot… En 1996, l’équipe se sentait beaucoup plus forte. Certains comme moi avaient aussi connu la victoire en Ligue des Champions avec l’OM (1993). Cela y a contribué.
Et au sein du groupe, aviez-vous observé des différences ?Nous étions mieux mentalement. Il faut être prêt à tenir toute la durée du tournoi, car c’est long un EURO, entre la préparation et les matchs. Cela pouvait durer plus d’un mois, donc il faut être fort au niveau mental. La différence entre les deux phases finales s’est aussi faite ici. En 92, plusieurs joueurs ont eu du mal. Par exemple ceux qui ne jouaient pas se posaient des questions. L’environnement n’était pas idéal, il a fallu faire face à des perturbations. Je me souviens de Jean-Pierre Papin qui n’était pas content de sa marionnette dans les Guignols. En 96, nous étions dans de meilleures dispositions, avec d’autres joueurs qui découvraient peut-être plus de choses, mais ils étaient plus tranquilles dans la tête. Il y avait par exemple Zidane - bien qu'un peu blessé - qui jouait sa première phase finale en Equipe de France.
A l’époque, l’ambiance au sein du groupe avec la rivalité entre joueurs marseillais et parisiens avaient été invoquée pour expliquer la performance décevante. Cela a-t-il été le cas ?« Je n’ai pas vu de rivalité entre Marseillais et Parisiens chez les Bleus »
Pour moi, il n’y avait pas de rivalité entre Marseillais et Parisiens chez les Bleus. C’était uniquement lors du Classico que cela existait. La presse a beaucoup écrit dessus, même par la suite pour savoir s’il fallait faire jouer Cantona et Ginola ensemble, mais dans le groupe je n’ai pas ressenti ça. A l’EURO 92, c’est vrai qu’il y avait neuf joueurs de l’OM en plus du kiné qui était aussi du club, donc ça faisait dix Marseillais ! Mais cela n’a pas eu d’impact sur l’ambiance selon moi. Je repense à Christian Pérez qui était au PSG. Et bien dès qu’il récupérait le ballon, il cherchait à servir Jean-Pierre Papin, qui était la star de l’OM et des Bleus. Christian avait été énorme sur toute cette période, car il avait fait plusieurs passes décisives à Papin en qualification et contre la Suède en phase finale.
Sur le plan individuel, vous avez obtenu une distinction à la fin de cet EURO, malgré l’élimination prématurée…C’était fou ! J’ai été désigné dans l’équipe-type de la compétition. Il faut croire que j’étais bon à mon poste (rires).
Votre style de jeu très offensif sur le côté de la défense était finalement très moderne à cette époque.Je ne pouvais pas concevoir le foot en étant exclusivement défenseur. Au fil du temps, je suis devenu un latéral. Je me suis fait à ce poste, mais il fallait que je sois aussi devant, que j’amène quelque chose offensivement, que je centre…J’avais ce côté attaquant qui ressortait, car en Guadeloupe j’évoluais à ce poste, avant de reculer au milieu, puis derrière. Je ne pouvais pas me résoudre qu’à défendre. Quand je vois ce que l’on demande actuellement aux joueurs, notamment les joueurs de couloirs, je me dis que j’étais en avance à l’époque, car je le faisais déjà.
Quatre années plus tard, vous êtes à nouveau présent pour l’EURO 96, mais cette fois dans un rôle différent chez les Bleus.« Aimé Jacquet a beaucoup contribué au bon EURO 1996 »
Je faisais partie des anciens (à 31 ans) avec Eric Di Méco, mais je suis toujours resté dans l’ambiance de l’équipe. Certes, il y avait une nouvelle génération qui arrivait, mais on se connaissait tous entre l’OM et les Bleus. L’amalgame s’est fait très vite et les petits jeunes ont apporté leurs qualités et se sont parfaitement intégrés au groupe. Je pense que le sélectionneur Aimé Jacquet y a été pour beaucoup. Sa bonne façon de manager s’est vérifiée par la suite, et pas uniquement lors de la Coupe du Monde 1998. Déjà en 1996, les joueurs étaient bien. Nous avons bien vécu cet EURO. Même si je n’ai pas beaucoup joué, j’étais positif. Je n’ai pas mal pris le fait d’être le remplaçant de Thuram en demi-finales. J’ai apporté à l’équipe tout ce que je pouvais.
Individuellement, vous avez en effet moins joué en 1996 en raison du choix d’aligner Lilian Thuram au poste de latéral droit. Comment l’avez-vous vécu à l’époque ?C’est quelque chose qu’Aimé Jacquet a vu. Peut-être que je ne l’ai pas vu de la même manière, car j’étais un latéral et Lilian un défenseur central. Pourquoi joue-t-il à ma place ? On se dit que normalement ça ne devrait pas se faire. Après, je pensais au bien de l’équipe. L’objectif était de trouver le meilleur équilibre collectivement. Et cette polyvalence de Lilian y contribuait. Donc ça s’est bien passé pour l’équipe. Pour moi, ça a marqué la fin de ma carrière internationale. J’avais toujours envie, puisque j’ai joué des finales avec Valence jusqu’à 37 ans. Mais pour l’Equipe de France, je me suis dit que c’était peut-être mieux d’en rester là.
Vous avez connu Michel Platini et Aimé Jacquet comme sélectionneurs en Equipe de France. Comment cela se passait-il avec chacun d’entre eux ?« Didier Deschamps était un capitaine qui fédérait »
Tout d’abord, Michel Platini avait été nommé comme sélectionneur des Bleus sans avoir jamais connu d’expérience d’entraîneur. Il a apporté sa science et sa connaissance du haut niveau, lui qui avait remporté plusieurs Ballon d’Or. Mais c’est Gérard Houllier, son adjoint, qui mettait tout en place lors des entraînements. Aimé Jacquet avait lui une connaissance plus poussée du poste. Sa grande force était de fidéliser son groupe. Avec lui, c’était le groupe avant tout. Ce que tout le monde a pu voir en 1998. Il insistait beaucoup là-dessus. Non pas que Platini n’a pas su le faire, mais disons qu’en 1992 nous sommes arrivés avec beaucoup d’égo... En 1996, les jeunes joueurs qui nous ont rejoint se sont intégrés et avaient un comportement différent.
Enfin, vous connaissez très bien l’actuel sélectionneur Didier Deschamps pour avoir joué avec lui à l’OM, à Valence et en Equipe de France. Comment était-il comme coéquipier ?Didier était toujours positif. Alors on aime ou on n’aime pas, mais il faisait toujours tout pour l’équipe. Il voulait que l’on avance tous ensemble. Il conseillait les nouveaux, les anciens…il conseillait tout le monde ! Il avait toujours quelque chose à dire ! Ce qui pouvait en agacer certains…(rires) Mais il le faisait toujours avec l’objectif de faire progresser l’équipe, pour qu’elle soit la meilleure possible. Et quand je l’entends aujourd’hui, je ne suis pas surpris, car je retrouve cela dans son discours. Et ça fonctionne bien ! Comme joueur, après l’OM, il a su le faire à la Juventus. Un peu moins à Valence, car il n’est resté qu’une saison (2000/01). Mais je pense que s’il a eu des résultats partout où il est passé, c’est parce qu’il a su fédérer en tant que capitaine. Didier a ça en lui. Et ensuite, il a su appliquer cela en devenant sélectionneur.