Interview

Ben Old : « On me parle sans cesse des All Blacks »

Dans sa première saison avec l’AS Saint-Étienne, le jeune international néo-zélandais Ben Old revient sur son adaptation en France et nous présente son pays. Un entretien où il est question des All Blacks et de Chris Wood mais aussi de sa carrière de golfeur.
Arnaud Di Stasio
Publié le 30/04/2025 à 14:02
10 min de lecture
Arrivé l'été dernier en provenance de Wellington, Ben Old dispute sa première saison avec l'ASSE.

Après ta grave blessure au genou survenue en octobre et cinq mois sans jouer, tu rejoues depuis fin mars…
Ça a été une période très difficile à vivre, surtout que j’avais très bien commencé la saison avec l'AS Saint-Étienne et que j’étais en train de montrer ce dont j’étais capable. Cette blessure est très mal tombée et ça a été frustrant de devoir attendre aussi longtemps pour retrouver mes sensations. Ça a pris quelques semaines mais depuis 15 jours, je sens que je suis revenu au niveau de forme qui était le mien avant de me blesser (ligament latéral interne et ménisque). Je suis peut-être même à un meilleur niveau ! Ça fait très plaisir et, maintenant, il faut que je fasse tout pour jouer de plus en plus et pouvoir aider l’équipe au mieux.

Au-delà de cette blessure bien sûr, quel bilan tires-tu de cette première saison en France d’un point de vue personnel ?
Vu ce qui m’est arrivé, je suis plutôt satisfait. Je suis arrivé ici avec beaucoup d’ambitions et la saison avait tellement bien commencé pour moi que j’aurais aimé voir ce qui aurait pu se passer si je ne m’étais pas blessé… Mais malgré ce contrecoup, j’ai réussi à revenir plutôt rapidement et à me remettre dans le rythme de mon début de saison. C’est ce que je vais retenir.

« Une grande marche à franchir pour moi »

Quels sont les principaux challenges que tu as dû relever dans ton adaptation au football français ?
La première évidence, c’est qu’il y avait une grande marche à franchir pour moi qui venais de l’A-League (le championnat australien et néo-zélandais où Ben Old évoluait, avec Wellington Phoenix jusqu’à l’été dernier). Ici, les joueurs sont meilleurs, ils sont plus rapides, plus costauds… Tactiquement, c’est très différent également, avec beaucoup plus de marquage individuel ici. Ça a été difficile de m’y faire mais je sens que mon style de jeu correspond également à la France. Pour résumer, il a fallu s’adapter à une façon de jouer différente et à un niveau d’adversité supérieur.

Justement, peux-tu nous en dire plus sur la A-League ?
Le marquage est donc davantage en zone. Il y a aussi peut-être davantage de construction derrière et un pressing différent. Ici, ça va plus vite vers l’avant et c’est plus physique. Le plus important, c’est de gagner tes duels. La A-League est loin d’être le championnat le plus réputé mais c’est un championnat qui progresse. Ce n’est pas pour rien que de plus en plus de jeunes joueurs réussissent à partir pour les meilleurs championnats de la planète. Il y a aussi des joueurs expérimentés avec de belles carrières derrière eux qui viennent en A-League. Ça permet d’amener un certain niveau technique et tactique. Comme je disais, physiquement, c’est différent d’ici mais c’est un très bon championnat même s’il y a évidemment une bonne classe d’écart avec la Ligue 1 McDonald’s.

Et qu’en est-il de la densité ?
Il y a pas mal d’équipes capables de gagner avec des champions qui changent régulièrement. C’est d’ailleurs un club néo-zélandais, l’Auckland FC, qui vient d’arriver premier de la saison régulière alors que c’est leur première saison en A-League. Ça en dit long sur la densité du championnat et sur le fait qu’il n’y a pas vraiment d’ordre établi. Ça ressemble un peu à la MLS, avec tout le monde qui peut battre tout le monde.

« Louis Mouton m’a surtout appris des gros mots »

Tu n'es pas le premier Néo-Zélandais à évoluer en France. Sais-tu qui t’a devancé ?
Oui, Bill Tuiloma ! Je sais qu’il a joué à l’OM. Avant d’arriver en France, j’ai été plusieurs fois en sélection néo-zélandaise avec lui et on avait discuté de son expérience ici. Bill n’a pas beaucoup joué à Marseille avant d’aller en MLS mais il m’a donné des conseils précieux. Il m’a dit qu’il fallait que je sois patient durant ma période d’adaptation mais que j’allais pouvoir m’imposer ici. Quand je lui ai expliqué que j’allais venir en France sans ma famille, il m’a dit que ce serait difficile. Mais finalement, ça a été bien plus facile que ce à quoi je m’attendais ! Tout le monde a été très accueillant à Saint-Étienne, les fans ont été super et je me suis fait beaucoup d’amis. J’ai été très agréablement surpris et la façon dont ça se passe en dehors du terrain m’aide à être bon sur le terrain, c’est sûr !

Avec quels joueurs t’entends-tu le mieux ?
Celui dont je suis le plus proche, c’est Louis Mouton. Au début, ce n’était pas ça car ce n’était pas évident de communiquer, je pouvais à peine parler. Mais on est devenus très amis, peut-être parce qu’on a des personnalités assez similaires. Je lui apprends l’anglais et il m’apprend le français. Mais il y a pas mal d’autres joueurs qui se débrouillent en anglais, sans oublier le coach bien sûr, ce qui fait que je peux avoir des conversations en anglais avec pas mal de monde. Mon expression française préférée ? Je préfère ne rien dire, Louis m’a surtout appris des gros mots ! Je vais dire : « Allez les Verts ! »

Depuis ton arrivée en France, qu’est-ce qui te manque le plus ?
Les plages néo-zélandaises ! Là-bas, je vivais au bord de la mer et c’est une chance incroyable. Il y a certains endroits de France où il y a la plage et la mer mais pas à Saint-Étienne (sourire) ! Ce qui me manque aussi, c’est les petits plats de ma mère, ses nachos notamment ! Mais je ne me plains pas niveau nourriture, la cuisine française mérite sa réputation !

Qu’est-ce qui t’a le plus surpris ici ?
Peut-être la météo ! C’est très différent de la Nouvelle-Zélande, où le climat ne change pas trop durant l’année, où il ne fait ni trop froid ni trop chaud. Ici, je suis arrivé en plein été et il faisait très chaud. Et pendant l’hiver, quand j’étais blessé, il faisait très froid, il faisait nuit tôt… C’est différent de la A-League, où on joue seulement pendant l’été !

« Les Néo-Zélandais ne se mettent jamais en avant »

Comment présenterais-tu ton pays aux gens qui ne connaissent pas la Nouvelle-Zélande ?
Je recommande à tout le monde de venir dans mon pays ! Notre principal atout, c’est la nature et le sentiment d’apaisement qu’on ressent. A chaque fois que je discute avec des gens qui sont allés en Nouvelle-Zélande, ils me disent qu’ils comptent y revenir même s’ils habitent très loin. Nos paysages, c’est vraiment quelque chose.

Et y a-t-il des clichés sur les Néo-Zélandais ?
Notre principale qualité est aussi notre principal défaut : nous sommes un peuple très humble, les pieds sur terre. On ne se met jamais en avant. D’un côté, c’est une bonne chose, mais de l’autre, c’est une mauvaise chose. C’est pour ça qu’on dit des Néo-Zélandais qu’ils ont le tall poppy syndrome (le syndrome du grand coquelicot ou l’envie de couper les têtes qui dépassent). Je pense que les Néo-Zélandais sont des gens gentils. D’ailleurs, c’est drôle car j’avais entendu dire que les Français étaient réputés être arrogants mais j’ai été très agréablement surpris et ce n’est pas ce que je vois à Saint-Étienne. Au contraire, les gens sont très accueillants même si je viens d’un autre pays et que je parle une autre langue.

Qui est la personnalité néo-zélandaise la plus connue selon toi ?
Dans le foot, c’est Chris Wood bien sûr. Il fait partie des meilleurs buteurs de Premier League et il réussit des choses vraiment incroyables depuis plusieurs saisons là-bas. J’ai la chance de le côtoyer en sélection et de le connaître un petit peu et c’est un exemple pour tous les footballeurs néo-zélandais. On a aussi quelques golfeurs qui marchent bien. Et en dehors du sport, je dirais que la célébrité la plus connue dans le monde est la chanteuse Lorde.

Tu parlais de Chris Wood, ton coéquipier en sélection. Justement, peux-tu nous parler des All Whites ?
Pour ce qui est de notre façon de jouer, on essaie de construire avec le ballon tout en étant efficace là où, auparavant, il y avait beaucoup de jeu long, essentiellement une grosse dimension physique… De l’extérieur, les gens ont tendance à penser que les Néo-Zélandais jouent au foot comme ils jouent au rugby donc on essaie de montrer que ce n’est pas le cas. On a réussi à se qualifier pour la prochaine Coupe du monde, ce qui va nous donner l’occasion de progresser et de montrer aux gens ce dont on est capables. Nos voisins australiens ont fait un joli parcours lors du dernier Mondial (8es de finale). À nous de montrer qu’on peut faire aussi bien !

Imiter l’Australie ? Je croyais que les Australiens étaient vos grands rivaux…
C’est sûr que les Australiens sont nos grands rivaux dans tous les sports. Mais c’est très cool de voir les sportifs australiens réaliser de grandes choses sur la scène mondiale. Il faut savoir mettre un peu de côté cette rivalité régionale (sourire).

« Ma famille n'a jamais voulu que je fasse du rugby »

Impossible de terminer cet entretien sans évoquer les All Blacks…
Depuis que je suis en France, on me parle sans cesse des All Blacks ! Notre équipe de rugby est célèbre dans le monde entier et à juste titre puisque c’est une des meilleures sélections du monde. Ça va peut-être vous étonner mais le sport le plus pratiqué en Nouvelle-Zélande, c’est le football, pas le rugby. Le foot est de plus en plus populaire et il se développe beaucoup mais, vu tous les succès des All Blacks, il va falloir attendre encore un peu pour que les étrangers pensent au foot plutôt qu’au rugby quand on leur parle du sport néo-zélandais !

Et toi, tu as déjà joué au rugby ?
J’ai fait du touch rugby (rugby sans contact) à l’école mais ma famille n’a jamais voulu que je fasse du « vrai » rugby. À l’époque, ça m’énervait de ne pas avoir le droit mais c’était sans doute une bonne chose car, enfant, j’étais très petit donc ça ne serait probablement pas très bien passé pour moi (rires) ! Mon autre sport, ce n’est pas le rugby, c’est le golf.

Tu as un temps hésité entre les deux sports ?
Oui car je viens d’une famille où le golf est très important. Tout le monde y joue. Je prenais beaucoup de plaisir à jouer au golf et quand j’avais 5-6 ans, je suis même allé faire des tournois aux États-Unis, ce qui a probablement été le sommet de ma carrière dans le golf (rires). Mais j’ai donc longtemps fait les deux sports : c’était golf l’été et foot l’hiver. C’est vers l’âge de 16 ans, lorsque je suis entré au centre de formation du Wellington Phoenix, que j’ai dû faire un choix. Le foot était ma passion numéro 1 et, même s’il m’est arrivé de demander si je n’aurais pas été capable de faire carrière dans le golf, je n’ai aucun regret. Et je joue toujours au golf quand je peux, notamment à Saint-Étienne, même si je joue forcément moins qu’avant !

Qui se débrouille le mieux dans l’effectif de l’ASSE ?
Le golf est moins populaire ici qu’en Nouvelle-Zélande mais il y a plusieurs gars qui jouent. Si je suis le meilleur ? Je n’aime pas trop parler de moi ainsi mais oui, je pense que c’est moi. Il est parti du club cet hiver mais Thomas Monconduit n’était pas mal non plus !

La fiche de Ben Old