Il a pris le temps et il a sans doute bien fait. Courtisé après son passage réussi de trois saisons au Red Star, qu’il est parvenu à ramener en Ligue 2 BKT, Habib Beye a patienté avant de trouver le bon projet pour tenter de faire décoller sa carrière de coach. C’est finalement en Ligue 1 McDonald’s, où il compte 242 apparitions en tant que joueur, qu’il a posé ses valises fin janvier pour succéder à Julien Stéphan et Jorge Sampaoli cette saison sur le banc du Stade Rennais. Habitué à jouer les premiers rôles ces dernières années, le club breton s’est fait peur : il occupait une place de barragiste avant l’arrivée de Beye.
11 matchs et sept victoires plus tard, après seulement cinq succès sur leurs 19 premières rencontres, les Rouge et Noir ne sont plus inquiétés par la relégation, avec désormais neuf longueurs d’avance sur le 16e. Et une dynamique complètement relancée. Depuis la 20e journée, Rennes a en effet pris 21 points (seul Strasbourg et le PSG font mieux sur la période) et encaissé seulement 10 buts, deuxième plus faible total derrière les Alsaciens (6). L’équipe a donc empoché plus de points en à peine trois mois sous Habib Beye (21) que sur ses cinq premiers de la saison (19). La différence d’efficacité offensive ne se trouve pas uniquement dans un jeu plus enlevé (15 tirs par match contre 12 avant l’arrivée de Beye) mais surtout dans des occasions plus franches, puisque les Rennais se procurent 1,9 Expected Goals en moyenne par rencontre avec leur nouvel entraîneur, nettement plus qu’en début de saison (1,2 xG).
Ce nouvel élan permet à l’ancien défenseur de l’OM de marquer l’histoire du Stade Rennais sur ses premières semaines : il est l’entraîneur affichant pour le moment la plus haute moyenne de points par match en Ligue 1 McDonald’s dans l’histoire du club (1,91) tout en concédant le moins de buts par rencontre (0.91). Sur les 25 dernières années, seul le Rennes de Bruno Génésio a inscrit plus de buts par match (1,88) que le Rennes d’Habib Beye (1,73).
Le départ réussi du jeune entraîneur s’explique par plusieurs changements majeurs, à commencer par l’imbrication de nouveaux éléments dans un onze de départ rajeuni. Depuis son premier match, le 2 février face à Strasbourg (1-0), Rennes affiche une équipe âgée en moyenne de 24 ans et 244 jours, quatrième plus jeune formation sur la période – et près d’un an de moins que sur les 19 premières journées (25 ans et 218 jours). 5844 minutes ont ainsi été données à des joueurs nés au 21e siècle à Rennes depuis début février, troisième plus haut total derrière les intouchables Alsaciens (9850) et les jeunes pousses parisiennes (6297).
Le symbole récent de ce nouveau visage est sans doute Mohamed Meïté, cantonné à 12 minutes de jeu avant l’arrivée d’Habib Beye et qui a depuis disputé 383 minutes en Ligue 1 McDonald’s, plus que tout autre joueur né en 2007 ou après sur la période. Son but décisif en fin de rencontre dans le derby contre Nantes lors de la dernière journée (2-1) n’a pas seulement fait chavirer le Roazhon Park ; il a également permis à Rennes de se rapprocher d’un record. En effet, 19 joueurs différents ont désormais marqué pour les Rouge et Noir dans l’élite cette saison (hors csc), soit seulement un de moins que Monaco en 2015/16, recordman en la matière sur les 75 dernières années.
13 de ces hommes ont d’ailleurs trouvé la faille sous le mandat de Beye, soit plus que toute autre équipe depuis la 20e journée, tandis que 25 joueurs au total ont été utilisés par le Sénégalais, seul le Reims de Samba Diawara (27) en comptant plus sur la période. 10 joueurs différents ont même été impliqués dans au moins 25 séquences dans le jeu se terminant par un tir de l’équipe rennaise, seuls le PSG (16) et l’OM (12) en totalisent plus sur la période. La preuve que la force de cette formation est avant tout son collectif.
Dans le jeu, si Rennes dispute autant de duels aériens sous Habib Beye qu’avec ses prédécesseurs (26 par match), les Bretons en gagnent sensiblement plus, passant d’un ratio de 51% à 56,6% depuis début février – le deuxième plus haut pourcentage du championnat, un souffle derrière Nice (56,7%). Une tendance qui se confirme sur le volet offensif, avec une propension à frapper de la tête (29 tirs depuis la J20, plus haut total) et à marquer de la sorte (4 buts, troisième total). Les centres traduisent également cette volonté nouvelle de passer par les airs. Avant l’arrivée d’Habib Beye, Rennes ne réussissait que 18,5% de ses centres, soit le plus faible ratio du championnat. Depuis la venue du nouveau coach, ce pourcentage est monté à 27,8%, le troisième plus élevé sur la période, tandis que seuls Nice (40) et Marseille (39) en ont réussi plus dans le jeu que les Bretons (36).
Mais l’équipe rennaise ne se contente pas seulement de jouer par de longs ballons puisqu’elle est également plus agressive sans la possession, avec plus de pressings (de 406 à 427 par match avec son nouveau coach) et surtout une pression plus forte. 79,9% de ses pressings sont effectivement à haute intensité sous Habib Beye, 4e plus haut ratio, tandis que 52,9% des ballons touchés par les adversaires de Rennes le sont sous haute pression, seuls le PSG et l’AS Monaco faisant mieux. Sa valeur PPDA (passes permises par action défensive) a diminué pour atteindre 10,4 (la 5e plus faible moyenne du championnat depuis début février), ce qui souligne l’intensité accrue de son pressing.
Si cette combativité pousse les Bretons à commettre des fautes (13,2 par match, seuls Lens et Monaco en enregistrant plus sur la période), elle leur permet aussi de chasser haut et surtout de marquer (3 buts à la suite d’une récupération dans les 40 mètres adverses, 2e total derrière le PSG). Leur jeu s’accélère donc, puisqu’ils ont aussi cumulé 22 attaques directes depuis la 20e journée (séquences dans le jeu commençant dans son camp ayant au moins la moitié de ses mouvements vers l’avant et se terminant par un tir ou un ballon dans la surface adverse), seul Nice (23) en comptant plus.
C’est un nouveau test qui se présente désormais sur la route d’Habib Beye, avec un déplacement périlleux sur la pelouse d’un OL revanchard et également transformé depuis l’arrivée de Paulo Fonseca, nommé quelques heures après son homologue sénégalais. D’autant plus que le néo-Rennais n’a enregistré qu’une seule de ses sept victoires face à une équipe classée en première partie de tableau (la toute première face à Strasbourg), perdant les trois autres face à de tels adversaires. Viendront ensuite Toulouse puis deux formations coriaces pour boucler cette première saison en Ligue 1 McDonald’s : Nice, et surtout une affiche de gala à Marseille, presque 18 ans après le dernier de ses 128 matchs dans l’élite avec l’OM. Une formation à laquelle Habib Beye ne se privera pas de jouer un mauvais tour.