D’un point de vue statistique, tu es en train de réaliser la meilleure saison de ta carrière avec déjà 13 buts. Est-ce que tu t’es déjà senti aussi fort ?
Je suis dans une de mes meilleures versions, c’est sûr. Je passe des étapes année après année et c’est vrai que là, je sens que j’ai atteint un niveau que je n’avais encore jamais eu.
Comment l’expliques-tu ?
Déjà, je retrouve l’axe après avoir beaucoup joué sur les côtés lors de mes premières années en pro. Attaquant de pointe, c’est le poste qui me convient le mieux et j’ai vite réussi à retrouver les automatismes que j’avais chez les jeunes : les appels, la finition… Il y a plein de petites choses qui font qu’un équilibre s’est construit. Et puis, il y a aussi la confiance qu’on m’a donnée depuis que je suis arrivé à Rodez, que ce soit les dirigeants, le coach ou mes coéquipiers qui n’hésitent pas à me mettre les ballons. Et l’équipe pratique un jeu offensif qui me permet de m’exprimer au mieux. Toutes les planètes sont alignées pour que je puisse réaliser une bonne saison.
Tu évoquais Didier Santini. Ta relation avec lui est différente de celles que tu as pu avoir avec tes entraîneurs précédents ?
C’est sûr. Depuis mon arrivée, il m’a transmis beaucoup de confiance. Même si mes premiers matchs étaient un peu difficiles, même si je ne marquais pas et que l’équipe perdait, il m’a maintenu sa confiance. Il me parlait beaucoup et il me disait qu’il n’avait pas de doute sur le fait que j’allais marquer et que ça allait fonctionner pour moi.
Tu as aussi parlé du style offensif du RAF, qui a terminé avec la 2e meilleure attaque du championnat la saison dernière et qui a encore la 3e meilleure attaque de Ligue 2 BKT actuellement. Est-ce que ça a compté au moment de choisir Rodez l’été dernier ?
Bien sûr. J’ai essayé de prendre un maximum de paramètres en compte et le fait que Rodez ait terminé 5e la saison dernière, avec une attaque qui marquait beaucoup, ça a vraiment fait pencher la balance. Rodez est devenu un choix évident et je ne regrette rien.
Comment expliques-tu que Rodez ne soit que 14e au classement malgré une attaque qui marque beaucoup ?
L’effectif a beaucoup changé l’été dernier alors que le groupe de la saison dernière avait deux ans de vie commune. Je crois qu’on peut dire qu’un nouveau cycle a commencé cette saison et qu’il a fallu apprendre à se connaître. On a perdu beaucoup de points sur le début de saison quand il n’y avait pas encore d’automatismes (6 défaites sur les 7 premiers matchs). Malgré tout, même si l’équipe concède plus de buts, on en marque toujours autant, ce qui est positif.
Buts du droit, du gauche, en prenant la profondeur, de volée, en finesse… Tu montres que tu es un attaquant très complet et c’est difficile de se dire que tu as dû attendre d’avoir 25 ans pour montrer un tel niveau. Est-ce que ça t’a surpris ?
Non, car je connais mes qualités ! Je savais qu’il fallait que les planètes soient alignées pour pouvoir les exprimer. Je ne suis qu’au début de mon évolution et j’espère encore beaucoup progresser. Je ne suis pas surpris, c’est une étape dans mon évolution et je pense que je vais continuer à me développer.
Tu as connu des années compliquées après avoir été formé à Rennes, où tu as été appelé en équipe de France U19 et U20. Est-ce que tu t’es déjà découragé ?
Il y a forcément des moments de doutes quand tu enchaînes deux ou trois saisons compliquées. Il y a eu beaucoup de blessures, beaucoup de bas… Il fallait savoir gérer ces moments-là en restant fort dans la tête, en continuant à croire en soi. Mais je ne me suis jamais découragé. Même quand j’étais au fond du trou, je croyais très fort en moi. Surtout, j’ai toujours bossé pour pouvoir retrouver le niveau qui me correspondait.
Il y a eu un déclic ?
Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il y a eu un déclic mais quand je suis arrivé en Slovénie en janvier 2023, je savais que ma carrière était à un tournant : soit je pouvais tomber dans une carrière semi-pro ou à jouer dans des championnats mid (moyens), soit je réussissais en Slovénie et je pouvais faire mon retour dans un grand pays de football. Donc j’ai tout fait pour que ça marche en Slovénie car je savais que j’étais à un carrefour, que j’étais dos au mur…
Pour lancer ou relancer ta carrière, tu as donc pris la direction de l’étranger et de championnats peu connus en France puisque tu as joué au Danemark puis en Slovénie. Pourquoi ?
Parce que je suis quelqu’un d’ouvert (sourire). Ce sont des championnats qui sont peut-être sous-cotés par le grand public mais ce sont des championnats intéressants pour se relancer. Déjà, le niveau est cohérent et ensuite, en Slovénie par exemple, le marché des transferts est assez ouvert, avec beaucoup de mouvements tous les ans. À l’inverse, dans un championnat comme le National, même s’il y a de très bons joueurs, il y a moins de transferts, c’est plus difficile de créer sa valeur marchande.
C’est-à-dire ?
J’avais vu qu’en Slovénie, il y avait pas mal de clubs qui faisaient des transferts pour des indemnités entre 100 000 euros et un million tous les ans. Dans un championnat de première division, le marché est différent. Il suffit d’aller sur Transfermarkt - ce que j’ai fait avant de signer là-bas - pour voir qu’il y a une bonne dizaine de transferts dans ces eaux-là chaque année. Et quand tu es transféré, tu arrives dans de bonnes conditions et c’est un cercle vertueux qui peut démarrer. C’est pour ça que j’ai fait le pari de partir à l’étranger.
Tu es vraiment allé voir Transfermarkt avant de signer au FC Koper ?
Oui (rires), j’ai regardé le nombre de transferts qu’il y avait en Slovénie, les montants, vers où les joueurs partaient ensuite… Et je me suis rendu compte que les joueurs qui réussissaient là-bas pouvaient rebondir dans des championnats comme la Ligue 2 ou la D1 belge, ce qui était mon objectif.
Quelle a été la réaction de tes proches lorsque tu leur as annoncé que tu signais en Slovénie ?
Ils ont été très surpris (rires). Ils ne comprenaient pas trop parce qu’ils avaient un mauvais a priori, ils avaient peur que je m’enterre là-bas. Mais moi, je m’étais informé et je leur ai dit qu’ils ne devaient pas s’inquiéter, que je savais ce que je faisais. Quand ils ont vu que ça se passait bien pour moi là-bas et les débouchés qu’il pouvait y avoir, car c’est ça le principal sujet, ils ont arrêté de douter. Si tu t’imposes en Slovénie, tu as plus de chances de trouver un bon club que si tu joues en National à 25 ans. En tout cas, ça a payé pour moi.
Que t’a apporté le fait de vivre à l’étranger ?
C’est sûr que la mentalité n’est pas la même qu’en France et, surtout, ça te fait quitter ta zone de confort. Il faut en faire deux fois plus pour être titulaire. Là-bas, ils te le disent direct, si tu as le même niveau qu’un joueur local, c’est le joueur local qui va jouer et c’est normal. Pour être titulaire indiscutable, il faut être deux ou trois crans au-dessus. Même quand tu penses avoir fait un bon match ou un bon entraînement, il faut toujours en faire plus. Jouer à l’étranger m’a montré l’importance d’avoir cette mentalité.
Jouer à l’étranger, c’était aussi une manière de te mettre en danger ?
Un peu. Je savais que je n’avais pas le choix et que si je partais là-bas, il fallait que je réussisse, mais j’étais sûr de moi. Quand je suis parti en Slovénie, je ne pensais pas à l’échec, je me suis dit que c’était le chemin que je devais suivre.
Et à quoi ressemblait la vie là-bas ?
J’étais donc à Koper, une ville portuaire sur la côte Adriatique où il fait bon vivre. C’est un peu la côte d’Azur de Slovénie donc le cadre de vie est exceptionnel. Et le club n’était pas mal non plus, c’était parfait pour se relancer. Et puis la Slovénie, c’est le pays de Tadej Pogačar donc tu croises beaucoup de gens à vélo. C’est vraiment le sport national.
Pour revenir à Rodez, tu as une célébration assez particulière depuis le mois de novembre et ton doublé contre Annecy…
Ça s’appelle le « too small ». Ça vient de la NBA et de Kevin Durant. Quand il met un beau shoot sur la tête d’un adversaire, il lui arrive de chambrer en rapprochant l’index et le pouce, comme pour dire que les autres sont trop petits pour lui, qu’ils ne peuvent pas le contrer. Ça vient de là. Je fais ce geste pour dire qu’on ne peut pas m’arrêter. C’est devenu ma signature. Je suis un grand fan de NBA et j’aime beaucoup le côté show, le trash talking… Mon joueur préféré ? Russell Westbrook. J’ai commencé à suivre le basket vers 2012 quand il était à Oklahoma City avec Kevin Durant et j’aime beaucoup leur manière de jouer et de chambrer. C’est pour ça que je célèbre mes buts de cette façon mais je veux que ça reste bon enfant.
Et après ton dernier but face à Dunkerque, tu as célébré en enfilant des lunettes de soleil…
L’idée m’est venue comme ça, un soir. Je me suis dit que ce serait pas mal d’ajouter un peu de piment à ma célébration. J’ai préparé le coup avant le match en donnant mes lunettes à notre vidéaste qui suit les matchs en bord pelouse. Je n’ai pas réfléchi davantage, c’était pour rigoler et divertir le public ! Mais les lunettes, c’était un one shot, je ne pense que le refaire. Maintenant, il y aura peut-être d’autres surprises… Pour cela, il faut espérer que je marque !
C’est important pour toi de te distinguer, de ne pas faire comme les autres ?
Non, c’est juste que je suis quelqu’un qui aime beaucoup rigoler. Pouvoir divertir les gens, en rigoler avec mes coéquipiers, je trouvais ça sympa ! Et le style, c'est quelque chose qui compte pour moi.
Au point de lancer ta marque !
Oui, j’ai créé ma marque de vêtements il y a cinq ans ! Ça s’appelle HDV, ce qui signifie « hygiène de vie ». La mode est une de mes passions et j’ai ouvert une boutique à Rennes il y a deux ans et demi. Avec mon associé Enzo, on a structuré l’entreprise pour que ça ne me prenne pas trop d’énergie mais ça me permet de penser à autre chose qu’au foot dans les moments compliqués, de me changer les idées.
Même si tu as joué avec les équipes de France de jeunes, tu as la possibilité de représenter le Cameroun. Est-ce que tu as déjà été contacté ?
Oui, de façon officieuse (sourire). J’ai été en contact avec quelqu’un qui fait la passerelle pour les binationaux et j’ai répondu à des médias de là-bas. Je le redis ici, la sélection camerounaise est un objectif pour moi. J’espère réaliser des performances qui m’amèneront en équipe du Cameroun. Maintenant, c’est entre les mains de Dieu et du sélectionneur !
En plus, ton coéquipier Wilitty Younoussa a été convoqué lors des deux dernières trêves internationales donc tu sais que les matchs de Rodez sont regardés…
Je sais que les matchs de Ligue 2 sont suivis, je ne m’en fais pas pour ça ! À moi d’être encore plus performant pour être appelé dans le groupe !
Pour terminer, qui est le joueur le plus impressionnant avec lequel tu as joué ?
Ousmane Dembélé ! Franchement, c’était le plus impressionnant à Rennes, de loin. Un très gros crack depuis les équipes de jeunes ! Quand je suis arrivé en pro, c’est le joueur qui m’a le plus choqué. Et sinon, je dirais Eduardo Camavinga. Dans un registre très différent, « Cama » est très impressionnant. On remarque davantage les joueurs offensifs mais lui, même s’il jouait milieu relayeur, il ressortait du lot par sa maturité et son côté très complet. Très jeune, il montait jouer avec nous en réserve et c’était déjà un patron. Voir des joueurs comme eux ou Aurélien Tchouaméni, avec qui j’étais en équipe de France, faire les carrières qu’ils font, ça donne envie de se dépasser pour aller jouer dans les mêmes championnats qu’eux.