Interview

Dylan Louiserre : « Je peux être le capitaine chiant qui t’attend à la porte »

Capitaine de l’EA Guingamp depuis le début de la saison, le milieu de terrain Dylan Louiserre évoque les différentes facettes du rôle. Entretien 100% brassard.
N. Maître
Publié le 29/01/2025 à 12:15
11 min de lecture
Dylan Louiserre (EA Guingamp).

Comment as-tu été informé de ta nomination comme capitaine en début de saison ?
Je n’ai pas vraiment été prévenu. J’ai compris au fil des matchs amicaux, où le coach me donnait le brassard à chaque fois, que j’allais être capitaine cette saison. Parallèlement, le coach a également mis en place un groupe de cadres, ce qui m’a confirmé ma nomination. Aujourd’hui, j’ai la chance de porter le brassard quand je suis sur le terrain et j’en suis très heureux.

Tu n'as donc pas eu de discussion avec Sylvain Ripoll à ce sujet ?
Non ! Je n’ai pas eu de discussion centrée sur le brassard avec le coach. Il me l’a confié au début, et ça s’est fait comme ça. Mais je ne suis pas vraiment le seul capitaine. On peut dire qu’on est trois, avec Enzo Basilio et Pierre Lemonnier. On forme un groupe de cadres, un « conseil des sages », et on se consulte régulièrement.

Tu avais déjà été capitaine lors de tes deux dernières saisons à Niort. Est-ce que ce rôle t’avait manqué ?
Oui et non. Quand je suis arrivé à Guingamp, je n’ai pas eu le brassard car il y avait des joueurs qui étaient déjà bien installés dans le club et qui avaient un statut vis-à-vis du groupe, c’était tout à fait logique. Après, là, quand je l’ai récupéré, je ne vais pas mentir, j’ai eu ce petit sourire au fond de moi en me disant que j’allais le retrouver. Fédérer sur le terrain et faire passer des messages, c’est quelque chose que j’aime faire. J’aime que les joueurs s’appuient sur moi s’il y a des problèmes, ou quand c’est dur, tout simplement. J’aime vraiment porter le brassard.

Ça prouve aussi que tu es un joueur qui compte…
Oui, je suis un joueur en qui le groupe a confiance. Le staff aussi. Forcément, c’est un statut qui prouve que je suis important.

« On ne peut pas parler à tous les joueurs de la même manière »

Tu connais maintenant très bien le club puisque c’est ta troisième saison. En quoi est-ce un avantage dans ta fonction de capitaine ?
Je ne sais pas si c’en est réellement un. Je pense qu’on peut tirer des avantages de tout type de situation. Si le club m’a nommé capitaine, c’est vraiment pour que je prenne la responsabilité de tirer le groupe vers le haut, afin que tout le monde soit le plus performant possible.

Quel genre de capitaine es-tu ?
Ça dépend ! Je peux être le capitaine chiant qui t’attend à la porte pour te dire que tu es en retard. Je peux aussi être le capitaine qui rigole avec tout le monde et qui fait des blagues. Je suis le premier à déconner, mais quand c’est le travail, c’est le travail.

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Faut-il avoir un caractère particulier ?
Je pense qu’il faut avoir tous les caractères. Quand c’est le travail, il faut être intransigeant et même parfois un peu « méchant », pour montrer à tout le monde que c’est sérieux. Il faut aussi savoir être très cool et s’amuser. Il faut en quelque sorte savoir s’adapter à tous types de joueurs et de situations. On ne peut pas parler à tous les joueurs de la même manière, que ce soit par rapport à leur statut, à leur âge ou à ce qu’ils vivent en ce moment… Il faut prendre en compte tous ces paramètres. Donc, il faut savoir ajuster son caractère, être à l’écoute et choisir la meilleure approche.

Tu as déjà pris des joueurs en aparté cette saison ?
Bien sûr ! J’ai déjà eu des discussions avec des joueurs pour les avertir de certaines choses : « Fais attention, tu es en retard ! », « Tu es un peu moins bien aux entraînements, qu’est-ce qui se passe ? » Ce sont des choses que je fais naturellement et que j’aime faire.

« Le fait d’être un leader passe d’abord par le comportement et l’état d’esprit »

Tu ne vas pas nous donner les noms des retardataires ?
Je dirais un peu tout le monde (rires). Il n’y a pas non plus un mauvais élève, mais il y a quelques petits retards. Je préfère taire les noms. Ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire (rires).

Le brassard t’oblige à certaines choses ?
Avec le brassard, on a forcément des obligations. Mais le fait d’être un leader passe d’abord par le comportement et l’état d’esprit. On doit être un joueur qui donne l’exemple. J’essaie vraiment de véhiculer ça auprès du groupe : toujours bien travailler, être ponctuel, respectueux, et être le plus performant possible. Si on montre une mauvaise image, ce n’est pas bon pour le groupe.

Certains coéquipiers viennent vers toi pour te parler de problèmes personnels ou de leur vie en dehors des terrains ?
Forcément ! Je suis aussi un relais vis-à-vis du staff et du coach. Quand un joueur n’ose pas dire directement quelque chose au coach ou qu’il ne va pas bien, il me fait passer le message et je le transmets au coach ou au staff. Je peux aussi essayer de les aiguiller dans leur vie pour que ça se passe mieux. Ce sont plus souvent les jeunes qui viennent me voir et qui me demandent des conseils. Ça peut être aussi bien sur le football que sur la vie quotidienne. Je suis là pour ça.

Tu es quelqu’un de timide en dehors des terrains. Ça semble paradoxal par rapport à ton épanouissement en tant que capitaine…
Dans la vie de tous les jours, c’est vrai que je suis assez timide. Certains peuvent dire que je suis asocial, mais c’est vraiment de la timidité. Je n’ose pas forcément aller vers les gens. J’ai toujours été comme ça depuis petit. Sur le terrain, c’est complètement différent. J’ai un tout autre caractère. J’ai besoin d’aller vers les gens, j’ai besoin de mes coéquipiers, car j’ai besoin d’eux pour être bon. Sur le terrain, s’il faut crier, pleurer de joie ou de tristesse, il n’y a pas de barrière. Quand je joue au foot, je suis dans ma bulle. C’est là où je me sens le mieux, là où je me sens moi-même. Je ne me soucie pas du regard des autres.

« Ma timidité s’estompe avec le temps »

Comment expliques-tu cette différence de comportement ?
Ma timidité s’estompe avec le temps. Quand on ne connaît pas une personne, on est forcément plus timide. Mes coéquipiers, pour certains, ça fait des années que je joue avec eux, d’autres plusieurs semaines. On vit des choses ensemble, donc, envers eux, je n’ai pas de timidité. Dans la vie extérieure, c’est différent. Quand je ne connais pas forcément les gens, je vais être plus timide et ça va être plus difficile pour moi de parler.

Tu as parlé des jeunes qui te sollicitent. Quel rôle joues-tu auprès d’eux ?
Premièrement, je suis là pour les accueillir dans le vestiaire. Quand tu passes de la formation au groupe pro, c’est quand même un grand changement, donc j’essaye de leur montrer comment ça se passe dans le monde pro. J’essaye de leur inculquer le travail, la rigueur, la ponctualité... Puis, sur le terrain, je les aide à donner le meilleur d’eux-mêmes, pour qu’ils n’aient pas de frein lorsqu’ils montent avec nous. S’ils sont arrivés jusqu’ici, c’est qu’ils ont des qualités, et nous, on ne demande que ça qu’ils viennent nous aider.

Tu avais été accueilli de cette manière au Havre ?
Quand j’ai commencé à monter avec le groupe pro au Havre, les anciens étaient vraiment très accueillants avec moi. Vu ma timidité, c’est ce qui m’avait permis de m’ouvrir à eux et de pouvoir m’exprimer sur le terrain. C’est quelque chose que je n’oublie pas et que j’essaye de reproduire aujourd’hui avec les jeunes.

Quelle relation as-tu avec Sylvain Ripoll ?
On a une relation très saine et très simple. Il me dit bonjour tous les matins comme à tous les autres joueurs. On ne se voit pas tous les jours dans son bureau pour parler de tactique, du groupe ou des repas. On va vraiment se voir quand on sent qu’il y a quelque chose qui ne va pas bien. Par exemple, si j’ai un ressenti sur le groupe, je vais de moi-même lui transmettre le message. Je peux très bien lui dire que je trouve que le groupe est fatigué parce que le match nous a coûtés physiquement ce week-end, et il ira en parler avec son staff pour ensuite s’adapter au mieux. À l’inverse, quand le coach et son staff voient quelque chose ou ont un doute, ils nous appellent Pierre, Enzo et moi. On se réunit dans le bureau et on en discute. Ce sont vraiment des échanges très fluides.

« Le coach m’a déjà crié dessus »

Tu ne fais pas des points réguliers avec lui ?
On ne fait pas des réunions toutes les cinq minutes. J’ai des points individuels, comme chaque joueur avec le coach. Après, les points vraiment axés sur la vie du groupe ou la tactique peuvent arriver après un bon ou un mauvais match. Ça dépend. Il n’y a pas de rendez-vous hebdomadaire. On se sollicite quand on en ressent le besoin.

Est-ce que certains joueurs peuvent être méfiants vis-à-vis de leur capitaine ?
Il faut trouver un juste milieu dans son positionnement. Je ne fais pas du tout partie du staff, je reste un joueur. Le coach m’a déjà crié dessus, et ce n’est pas pour autant que je lui ai répondu que j’étais capitaine et qu’il ne pouvait pas faire ça. Non ! Je suis d’abord un joueur, et le coach me considère comme tel avant d’être son capitaine. Et, moi, je considère le staff comme le staff et mes coéquipiers comme mes coéquipiers. Certes, je suis le relais principal du staff, mais j’essaie toujours avant tout de défendre mes coéquipiers. Mais franchement, cette année, on a vraiment un très bon groupe. On n’a pas du tout de problème. Il n’y a pas eu de clash entre joueurs et staff, et j’espère qu’il n’y en aura pas.

En quoi ce statut est valorisant pour toi ? 
Le capitaine, c’est un des joueurs qu’on voit en premier sur le terrain, car c’est celui qui va faire le toss avec l’arbitre, celui que l’arbitre appelle lorsqu’il y a des petits accrochages. C’est aussi valorisant car ça veut aussi dire que le staff et le groupe me font confiance et que je diffuse une bonne image au sein du club. Je dois un peu faire refléter mon image sur toute l’équipe, et c’est quelque chose que j’aime. J’aime aider les autres.

Pour remonter un peu dans le temps, te souviens-tu de la première fois où tu as été nommé capitaine ?
Oh, ça devait être très jeune ! Je me souviens avoir porté le brassard en « benjamins » avec le CMS Oissel. Je pense que c’est là-bas que j’ai commencé à le porter, puis je l’ai eu dans beaucoup de catégories, que ce soit en préformation ou en formation avec Le Havre. Il a ensuite fallu que je patiente quelques années pour le retrouver à Niort.

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« Je ne prends pas de plaisir à crier sur un joueur »

Est-ce qu’on se concentre plus facilement sur son jeu lorsqu’on n’a pas le brassard et qu’on ne doit penser qu’à sa performance ?
C’est possible ! Ce n’est pas toujours facile d’être capitaine, même pendant un match. Parfois, tu peux toi-même être moins bien, être dans un mauvais jour, donc tu dois te concentrer sur toi, mais il ne faut pas que tu oublies le collectif qui peut avoir besoin de toi. S’il y a un problème dans l’application des consignes, il faut le régler. S’il y a un joueur qui est moins bien, il faut l’encourager et le pousser à faire de meilleures choses. Je pense d’abord aux autres avant de penser à moi. Heureusement, dans un groupe il y a plusieurs leaders, il n’y a pas que le capitaine qui a le droit de parler et d’autres joueurs peuvent prendre le relais.

Tu ne te sens pas impacté par ce statut ?
Pas du tout ! On va dire que j’ai de l’expérience dans le capitanat. J’arrive à me concentrer sur moi-même et sur l’équipe en même temps, mais c’est aussi grâce à l’aide de mes coéquipiers et du staff. La notion de collectif est primordiale dans le football.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la fonction de capitaine ?
C’est de sentir la confiance que tes coéquipiers et le staff t’accordent. Par exemple, quand je parle dans le vestiaire, je sais que tout le monde m’écoute. Ça peut être différent pour d’autres joueurs qui vont parler et qui n’ont pas le rôle de capitaine. Quand je parle à un jeune aujourd’hui, je sais qu’il m’écoute attentivement. C’est quelque chose que je kiffe tout simplement. 

Et le moins ? 
C’est le côté négatif. Quand je dois taper du poing sur la table pour dire que les choses vont mal. C’est rarement cool de parler négativement. Je ne prends pas de plaisir à crier sur un joueur ou à lui dire qu’il est en retard. Mais il faut le faire donc je le fais. Ça reste primordial dans le rôle de capitaine. On ne peut pas toujours être positif pour faire avancer les choses !