Interview

Dans la peau de Claude Fichaux, coach adjoint de Rudi Garcia

Dans le staff de Rudi Garcia depuis quinze ans, Claude Fichaux (55 ans) a construit une relation forte avec l’entraîneur auquel il a lié sa carrière de technicien avec des aventures au LOSC, la Roma, l’OM, l’OL, puis Al-Nassr, le Napoli et bientôt la sélection belge. L’ancien défenseur et milieu revient sur son rôle d’entraîneur adjoint.
Publié le 24/01/2025 à 07:59
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Claude Fichaux aux côtés de Rudi Garcia à l'OM (oct 2016-juin 2019).

Ancien joueur formé à Mulhouse et passé par le LOSC, Le Havre ou encore l’AS Saint-Etienne et Strasbourg, où il a terminé sa carrière professionnelle riche de plus de 400 matchs, l’Alsacien Claude Fichaux nous raconte son rôle auprès de Rudi Garcia, nommé à la tête des Diables Rouges.

Au commencement, une rencontre

Tout a commencé du côté de l’AS Saint-Etienne, lorsque Rudi était un jeune entraîneur adjoint (de Robert Nouzaret) et moi en fin de carrière de joueur à la fin des années 90 (saison 1998/99). Ensuite, si nos chemins se sont séparés, nous sommes toujours restés en contact. J’ai terminé ma carrière pendant quelques saisons entre Le Mans et Strasbourg. Lui de son côté a développé sa carrière d’entraîneur avec réussite.

« Je passe plus de temps avec Rudi qu’avec ma famille »

Une relation qui dure depuis 15 ans

En 2009, Rudi m’a appelé alors que j’étais au centre de formation du RCSA en charge des moins de 18 ans. Il cherchait un adjoint spécialiste de la formation, car le LOSC était déjà un club formateur. Ma venue lui permettait de se décharger un petit peu en me déléguant cette tâche. 

Je n’ai pas mis deux heures à me décider et à accepter ce poste d’adjoint au LOSC. Evidemment. Ça faisait 7 ans que j’étais à la formation à Strasbourg et redécouvrir le très haut niveau ne m’a pas demandé beaucoup de réflexion pour accepter la proposition…

Entre les entraînements, les déplacements, les réunions et les matchs de championnat ou de Coupes d’Europe, on passe un temps énorme ensemble. Les journées commencent très tôt et peuvent se finir très tard. Je passe plus de temps avec Rudi et le staff qu’avec ma famille. 

« Je ne crois pas trop au fait d’avoir des n°2, n°3… »

Son fonctionnement avec Rudi Garcia

Rudi n’est pas un entraîneur qui délègue, c’est un entraîneur qui associe. Il est plus intéressant d’être associé à toutes les différentes parties de son travail, que ce soit les plannings de séances, le travail tactique ou encore les compositions d’équipe. Chose qu’il faisait un peu moins au début de notre collaboration en 2009.

Avec lui, les discussions sont nombreuses. Donc il peut arriver qu’elles soient parfois un peu vives… Le coach reste le décideur n°1. Il peut y avoir un débat, mais c’est sa sensibilité à lui. Ça sera son choix. Rudi sent les choses. Il nous explique la façon dont il souhaite jouer. Il donne les éventuels changements qu’il souhaite apporter, notamment concernant le système de jeu. A nous de nous adapter.

Rudi est un entraîneur surprenant, dans le sens où il est constamment obligé d’évoluer. Il reste en éveil pour faire progresser son staff. Il se pose tout le temps des questions, ce qui lui permet d’avoir un coup d’avance sur nous !

Car à présent, les choses vont plus vite. Avec l’évolution du foot, notre relation a forcément aussi évolué. A ses débuts d’entraîneur, on peut dire que 80% de son temps était consacré au terrain et 20% au reste. Aujourd’hui, c’est l’inverse car il y a aussi à gérer le recrutement, la presse, les réseaux sociaux…Un entraîneur est toujours en questionnement sur des détails. Malgré les 15 ans passés ensemble, on ne peut pas s’endormir sur nos acquis. 

Son rôle d’adjoint au sein du staff

Au début j’ai démarré dans un rôle très spécifique de technicien. Il s’est depuis élargi dans tous les domaines avec de la technique ou encore la conduite des séances d’entrainement.

Je considère qu’il n’y a pas de n°2, mais que nous formons tous ensemble un staff et qu’il n’y a pas de hiérarchie. Je préfère parler de collaborateurs et que chacun apporte sa compétence au staff. Je ne crois pas trop au fait d’avoir des n°2, n°3…L’adjoint doit être un facilitateur de travail et décharger au maximum l’entraîneur dans son quotidien. 

Chaque membre du staff a son mot à dire. Par exemple, lorsqu’il y a un doute sur l’état de forme d’un joueur, je peux avoir une autre sensibilité que celle de Rudi et qu’un autre adjoint. Il est important de lui donner notre avis. Ensuite, le coach en fait ce qu’il veut. Sachant que c’est lui qui la responsabilité de faire la composition d’équipe et les choix tactiques.

« La pression c’est Rudi qui la subit »

Dénicher les pépites de la formation

Au LOSC, je faisais le pont entre l’équipe pro et le centre de formation. Mon rôle était de suivre ce qui se passait dans les équipes réserves. Car il y a des pépites à trouver à la formation. Il faut avoir un œil dessus, savoir à quel moment on les fait venir chez les pros, à quel moment les faire jouer en pros. 

A l’époque du LOSC, il y a eu un certain nombre de joueurs de 18-19 ans qui ont été prêts à intégrer l’équipe première. Cela a été le fruit du suivi de jeunes comme Idrissa Gueye, Divock Origi, Lucas Digne, Arnaud Souquet, de les avoir régulièrement en séances de post-formation et d’aller les voir lors des matchs avec la réserve. Rudi me faisant confiance dans ce travail. Il les a donc pris avec le groupe professionnel et les a fait jouer pour la réussite que l’on connaît.

De la même façon qu’il y a eu Pellegrini à la Roma, puis Bouba Kamara à l’OM, que l’on a fait monter avec l’équipe pro. 

A l’OL, c’était un peu différent car les jeunes faisaient déjà partie de l’effectif pro. Mais j’ai toujours maintenu cette relation avec la formation, car cela reste intéressant de savoir qu’il y a un très bon joueur de 19 ans en réserve, mais aussi qu’il y a un très bon joueur de 17 ans qui joue avec les moins de 18 ans. Et que celui-ci est peut-être en mesure de sauter une étape. Donc il est primordial d’avoir une vision globale des équipes du centre de formation.

La pression existe-t-elle pour un adjoint ?

Les pressions on les vit plus par ricochets. Car toute la pression c’est Rudi qui la subit. Evidemment que l’on souffre lorsqu’il est critiqué pour de mauvais résultats et qu’il se retrouve attaqué par la presse… Ça fait partie du métier. Dans ces moments de moins bien, le rôle de l’adjoint est aussi d’être une éponge pour lui permettre de décharger cette pression. 

Quelle implication dans le choix de carrière ?

Rudi nous consulte toujours lorsqu’il y a des opportunités et nous demande de travailler sur de potentiels nouvelles équipes. Les adjoints analysent ces équipes pour voir si le projet est intéressant. Une fois les éléments en sa position, c’est à Rudi que revient de décider si l’on va à droite ou à gauche. Bien sûr, nous lui donnons notre avis, mais comme pour une composition d’équipe, c’est lui qui a le dernier mot.